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- LA JALOUSIE – Guitry revisité par Michel Fau, l’élégance d’un théâtre d’antan🅵🅵🅵🅵 FOUD’ART – Un bijou d’ironie et de style, entre hommage et modernité ⸻ Cent ans de théâtre, une célébration du style Pour le centenaire du Théâtre de la Michodière, Michel Fau signe un hommage fastueux à Sacha Guitry en remontant La Jalousie , comédie écrite en 1915. Un mari trop sûr de lui rentre chez lui après avoir failli tromper sa femme. En découvrant qu’elle n’est pas rentrée non plus, il sombre dans un délire de soupçons et d’orgueil blessé. Sous ses dehors légers, la pièce dévoile les mécanismes cruels de la jalousie, l’hypocrisie du couple et la vanité des sentiments. Guitry y dissèque avec une précision acide les travers de la comédie humaine. ⸻ Michel Fau, l’art du théâtre total Michel Fau ne modernise pas Guitry : il lui redonne sa puissance d’origine. Fidèle à son goût du style et de la démesure, il signe une mise en scène d’une beauté rare : décors somptueux, costumes luxueux, gestuelle chorégraphiée, diction millimétrée. Tout respire ici la rigueur et la musique du verbe. Le comique devient rythme, presque danse, et la théâtralité se fait art pur. Dans cet univers flamboyant, Fau transforme la nostalgie en vitalité. Ce qui pourrait paraître daté devient une partition fascinante : un théâtre de forme, de panache et d’intelligence, où chaque silence raconte la vanité du désir. ⸻ Un plateau d’une justesse rare Entouré d’une distribution exemplaire, Michel Fau trouve l’équilibre parfait entre virtuosité et sincérité. Gwendoline Hamon incarne une épouse moderne et malicieuse, d’une intelligence de jeu remarquable. Geneviève Casile, Alexis Moncorgé, Fabienne Galula et les autres comédiens forment un chœur précis, un mécanisme scénique aussi drôle que raffiné. Tous évoluent dans une direction d’acteurs ciselée où rythme, clarté et diction sont les maîtres mots. Chacun a son instant de lumière sans jamais rompre l’unité de l’ensemble : un travail collectif au service de l’excellence. ⸻ Un théâtre suranné, éclatant de vie Oui, La Jalousie appartient à un autre temps. Oui, son univers bourgeois et ses dialogues ciselés viennent d’un autre siècle. Mais c’est justement ce que Michel Fau sublime : il assume la patine et la transforme en matière vivante, en élégance retrouvée. Par son raffinement visuel et sa rigueur de jeu, le spectacle rappelle que le théâtre dit « de boulevard » peut être une forme exigeante, presque classique, dans sa précision et son ironie. Sous les dorures et le velours, la pièce parle toujours de nous : nos peurs, nos fantasmes, cette obsession du contrôle qui finit par nous consumer. Le rire devient miroir, la comédie se fait vertige. ⸻ Mon ressenti FOUD’ART Un retour flamboyant à un théâtre de style, assumé et lumineux. La Jalousie version Michel Fau s’impose comme une véritable leçon de scène : art du détail, sens du rythme, beauté scénique portée à son plus haut degré. La perfection des décors et des costumes, le plaisir palpable du jeu et cette élégance légèrement décadente rappellent les fastes des années folles. Le texte, certes daté, garde un charme intact : tout fonctionne avec la précision d’une horlogerie théâtrale. Un bijou d’équilibre et de raffinement, où chaque acteur trouve sa place, chaque silence sa musique, chaque geste sa justesse. 🅵🅵🅵🅵 FOUD’ART – Un hommage fastueux au théâtre d’antan, revisité avec panache. Un boulevard qui brille par sa précision, son humour et son amour du jeu. Un spectacle somptueux où Michel Fau rappelle que la beauté du théâtre, c’est aussi celle de ses excès. ⸻ LA JALOUSIE Texte Sacha Guitry Mise en scène Michel Fau Avec Gwendoline Hamon, Michel Fau, Alexis Moncorgé, Geneviève Casile, Fabienne Galula, Alexis Driollet, Joseph Tronc, Léo Marchi Décor Nicolas Delas • Costumes David Belugou – Lumières Joël Fabing • Son Antoine Le Cointe Crédit photo @MarcelHartmann Théâtre de la Michodière Actuellement • Du mercredi au vendredi à 21h - Le samedi à 15h et 21h - Le dimanche à 15h • Durée 1h40 
- Y’A DE LA JOIE - Quand Michaël Hirsch se met en quête du bonheur🅵🅵🅵🅵 FOUD’ART – Un seul-en-scène drôle, documenté et profondément humain ⸻ Un an pour apprendre la joie de vivre Il fallait oser : se donner un an pour « apprendre la joie de vivre ». C’est le pari de Michaël Hirsch , humoriste, auteur et comédien, dans ce nouveau seul-en-scène qu’il joue au Théâtre de l’Œuvre . Après avoir exploré « le bonheur avec un grand B » à coups de citations inspirantes, de stories Instagram et de développement personnel, il avoue : « j’ai coché toutes les cases… sauf celle du bonheur ». Alors il enquête : lectures, expériences, rencontres improbables. De cette quête intime naît Y’a de la joie ! , un spectacle à la fois burlesque, philosophique et lumineux. Hirsch ne donne pas de leçons ; il partage une aventure. Sa recherche personnelle devient miroir collectif : qui ne s’est jamais demandé comment trouver un peu de joie au cœur du chaos ? ⸻ Une quête drôle et documentée Mis en scène par Mikaël Chirinian , le spectacle évite l’écueil de la conférence déguisée. Tout est incarné : les jeux de mots fusent, les personnages s’enchaînent, la parole devient matière vivante. Le psy aux airs de Luchini, le pote de bistrot façon Édouard Baer, la prof de yoga aux maximes absurdes ou le coach de sport extrême : autant de figures tendres et déjantées qui jalonnent le voyage intérieur du comédien. Ce qui frappe, c’est la précision d’écriture . Chaque mot pèse, chaque silence compte. Derrière la drôlerie, on devine un solide travail de documentation, presque scientifique, sur les ressorts de la joie. Michaël Hirsch mêle l’intelligence à la malice : il ne vend pas du “feel good”, il fabrique du vrai bien . ⸻ La mise en scène : une ascension symbolique Chirinian signe une mise en scène épurée et expressive, fidèle à son goût du croisement des disciplines. Le spectacle s’ouvre sur une image saisissante : Hirsch perché au sommet d’une échelle, amorçant devant nous l’ascension qu’il entreprendra tout au long du récit. Ce dispositif scénique traduit l’effort intérieur, la lente conquête d’un sommet de soi. La lumière de Laurent Béal , douce et mouvante, accompagne cette progression : on passe des teintes froides du doute aux éclats chauds d’une joie reconquise. ⸻ Un souffle vital et contagieux Ce seul-en-scène dégage une énergie communicative . On rit beaucoup, mais on sourit surtout longtemps après. Michaël Hirsch insuffle à chaque phrase un élan vital, une sincérité joyeuse qui fait du bien sans mièvrerie. Sa joie n’est pas donnée : elle naît du doute, de la fragilité, de l’effort. Et c’est ce qui la rend belle. La force du spectacle tient à cette alliance rare entre l’intelligence du texte et la chaleur du jeu . Hirsch fait vibrer le public sur plusieurs fréquences à la fois : la réflexion, l’émotion et ce léger vertige qu’on appelle simplement le bonheur d’être là. ⸻ Un spectacle plein de charme, d’énergie et de sincérité. Une écriture lumineuse et malicieuse, un comédien profondément humain, une mise en scène subtile qui laisse respirer la pensée. Un vrai antidote à la morosité. 🅵🅵🅵🅵 FOUD’ART – Coup de cœur pour ce manifeste joyeux qui fait du bien sans être mièvre, et prouve que le rire peut être une forme très sérieuse de sagesse. ⸻ Y’A DE LA JOIE ! Texte et interprétation Michaël Hirsch Mise en scène Mikaël Chirinian Lumières Laurent Béal Crédit photo (c) Stephane Kerrad Théâtre de l’Œuvre Du 14 octobre au 30 décembre 2025 • Les mardis à 21h • Durée : 1h15 
- OFFSCREEN 2025 : Quand l’image déborde, que reste-t-il du regard ?🅵🅵🅵🅵 FOUD’ART - Un atlas du visible en crise, entre mémoire, politique et poésie ⸻ L’image, territoire en ruine Pour sa 4e édition, OFFSCREEN Paris investit un nouveau lieu aussi chargé d’histoire que de fantômes : la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière . Sous la coupole dessinée par Louis Le Vau, là où Charcot hypnotisait ses patientes et inventait l’hystérie comme spectacle clinique, l’exposition devient un champ magnétique où le visible se contorsionne . Sous la direction de Julien Frydman , OFFSCREEN 2025 réunit vingt-huit artistes internationaux, six galeries françaises et vingt-et-une venues du monde entier. Leur point commun ? Faire de l’image un outil de résistance : résistance à l’oubli (Sue Williamson, Alexander Ugay), à la norme du regard (Annegret Soltau, Carrie Schneider), à la machine toute-puissante (LoVid, Estampa), ou à l’histoire dominante (Thu-Van Tran, Hazem Harb). Là où d’autres salons montrent, OFFSCREEN interroge . Ce que ces œuvres exposent, c’est moins le monde tel qu’il est que le monde tel qu’il persiste dans nos rétines - abîmé, reconstruit, hanté. La Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière. Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP - Photo Lympa Architecture ⸻ Une cartographie du visible Du Japon à la Lituanie, du Ghana à la Pologne, OFFSCREEN compose une géopolitique du regard . Chaque artiste y invente sa propre grammaire visuelle : • Maria Brunner suspend la cathédrale de Cologne sur des rideaux de PVC, illusion gothique et spectrale. • Dorothy Cross sculpte un requin dans le marbre, entre anatomie et mythe. • Martin Désilets superpose des milliers d’images jusqu’à l’absorption du noir absolu. • Marcin Dudek reconstruit un salon de coiffure ouvrier comme refuge de mémoire post-communiste. • Reena Saini Kallat cartographie les inégalités de mobilité mondiale avec des fils électriques et des cartes optométriques. • Hazem Harb transforme Jérusalem en labyrinthe inaccessible. • Thu-Van Tran fait saigner les feuilles d’hévéa pour rappeler les plaies du colonialisme. • Et Richard Serra , dans l’ultime écho de sa présence posthume, rappelle que le poids du réel est aussi une forme de mémoire . Un salon ? Non. Plutôt une messe laïque de la perception , un pèlerinage au cœur des images. ⸻ Invitée d’honneur : Shigeko Kubota, la vidéo comme rivière Portrait Courtesy Shigeko Kubota Video Art Foundation Figure fondatrice du mouvement Fluxus et pionnière de la sculpture vidéo, Shigeko Kubota (1937-2015) est l’invitée d’honneur de cette édition. Présentée par Fergus McCaffrey , l’artiste japonaise — dont le MoMA a récemment salué l’héritage — a fait de la vidéo une matière fluide, spirituelle, presque organique. “Une goutte de pluie devient un ruisseau, un ruisseau devient une rivière. Le rôle de l’eau dans la nature est comparable à la fonction de la vidéo dans notre vie. - Shigeko Kubota, 1981 Dans ses œuvres, l’électronique et le sensible fusionnent : une technologie habitée , vibrante, où l’image devient onde, onde devient émotion. Kubota, c’est la mémoire du flux , la poésie du signal, la beauté du glitch avant l’heure. ⸻ La fracture du regard Ce qui traverse OFFSCREEN, c’est cette tension entre voir et ne pas voir , entre archive et disparition. Chez Aurora Király , la photographie devient introspection pré-selfie. Chez LoVid ou Estampa , la machine déraille pour mieux laisser affleurer la poésie du bug. Chez Yarema Malashchuk et Roman Khimei , la guerre impose son mutisme : des enfants déplacés dorment, filmés dans un plan fixe. L’image n’est plus beauté — elle devient preuve, blessure, dilemme moral . Et au milieu de tout cela, l’histoire du lieu pèse. Les photographies d’Albert Londe , réalisées en 1893 pour les leçons du Dr Charcot, exposées dans les “Magasins”, rappellent comment la science elle-même a mis en scène la souffrance féminine sous couvert de vérité. Entre art, médecine et spectacle, ces clichés d’hystériques rejouent le drame du regard masculin : qui regarde qui, et pourquoi ? ⸻ La matière du monde Chaque œuvre ici respire une matière différente : • la lumière (Shigeko Kubota, David Haxton), • le textile (Sue Williamson, Annegret Soltau), • le feu et la cendre (Laurent Lafolie), • le code et le signal (LoVid, Estampa), • la chair (Dorothy Cross, Dario Villalba). Ces matières se répondent, forment une cosmogonie tactile du regard . Ici, l’image n’est plus preuve : elle est présence . Et l’œil du spectateur, loin d’être un juge, devient un témoin. ⸻ 🅵🅵🅵🅵 FOUD’ART – OFFSCREEN 2025 L’exposition où chaque image devient une cicatrice - et chaque cicatrice, une lumière. OFFSCREEN 2025 compose une archéologie du visible : un musée du présent où le visiteur devient explorateur, parfois intrus. Entre mémoire et fiction, entre rituel et technologie, l’exposition fait vaciller la frontière entre l’art et la perception . Ce que ces artistes nous offrent, ce n’est pas une vision du monde - c’est la preuve sensible que l’art, aujourd’hui, ne se regarde plus : il s’éprouve. ⸻ INFOS PRATIQUES OFFSCREEN – 4e édition Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière (Paris 13e) Du 21 au 26 octobre 2025 • Pendant Art Basel Paris • Entrée libre sur réservation Invitée d’honneur : Shigeko Kubota Performance continue : Maria Stamenković Herranz – In This Mortal House Building 3 (6 jours, 8h par jour, destruction finale le 26 octobre) Institutions invitées : Centre Pompidou (Paris) – œuvres de Phill Niblock & Timm Ulrichs ZKM Karlsruhe – œuvres d’Analívia Cordeiro & Urs Lüthi Archives historiques : Photographies d’Albert Londe (1893) – séances du Dr Charcot, présentées avec la Galerie Baudoin Lebon Performance musicale : Mabe Fratti & Lucy Railton – vendredi 24 octobre (en collaboration avec TONO) Conversations : Avec des curators du MoMA , DIA , ZKM , Tate , Artforum , Madame Figaro , Mousse Magazine et le podcast Folie Douce de Lauren Bastide. Artistes phares 2025 : Shigeko Kubota, Sue Williamson, Annegret Soltau, Dorothy Cross, Thu-Van Tran, LoVid, Reena Saini Kallat, Hazem Harb, Martin Désilets, Richard Serra. 
- PHÈDRE – Le feu sous le velours🅵🅵 FOUD’ART – Racine slammé, désirs piégés, rouge comme la faute ⸻ Rouge sur rouge : un huis clos en apnée Dans un écrin de velours rouge qui serre comme une « prison dorée », Muriel Mayette-Holtz referme Phèdre sur l’empêchement du désir. Ici, tout brûle et tout étouffe : les murs, le tapis, la robe, les voix. Après sa création aux Arènes de Cimiez, cette version intérieure à La Scala Paris resserre la tragédie sur le cœur battant de Phèdre — une Ève Pereur incandescente et sensuelle, moins impériale que vulnérable, corps traversé par la honte et la fièvre. Dès le prologue slamé par Jacky Ido, le quatrième mur se brise : les alexandrins de Racine s’ouvrent à une oralité contemporaine. Ce prélude déplace notre écoute, fait entrer le public dans la musicalité de la langue avant de la laisser éclater en tragédie. La parole devient rythme, battement, halètement. ⸻ Le cœur parle en douze pieds Chez Mayette-Holtz, l’alexandrin n’est pas une relique : c’est une pulsation. Elle le rapproche du slam, de ce chant du cœur qui bat trop fort. Jacky Ido (Théramène) est le passeur de cette fusion entre tradition et oralité : sa présence apaise et dynamise à la fois. Le pari pourrait sembler risqué — superposer la scansion du XVIIe siècle à une énergie urbaine —, mais ici la greffe prend, surtout dans les moments où la langue semble respirer à travers les silences. C’est sans doute l’un des gestes les plus pédagogiques et sensuels de la metteuse en scène : réapprendre à entendre Racine autrement. ⸻ Œnone, poison d’amour Et puis il y a elle : Œnone. Sous les traits de Nicolas Maury, la confidente devient amoureuse, presque rivale. Sa douleur, sa jalousie, sa dévotion ont le parfum du danger. Ce choix de distribution, audacieux et profondément juste, fait vaciller les repères : Œnone n’est plus un simple miroir, mais la doublure tragique de Phèdre, sa part refoulée, son écho déformé. Maury, tout en retenue et en fièvre, signe une interprétation d’une justesse rare : un mélange de pudeur et d’excès, d’humilité et de flamboyance. ⸻ Thésée, l’ogre silencieux Charles Berling campe un Thésée sobre, presque retenu, et c’est là que le tragique s’aiguise. Sa colère ne tonne pas, elle gronde. En face, Augustin Bouchacourt (Hippolyte) porte la fougue et la pureté du jeune homme condamné à mort sans comprendre sa faute : un duo d’ombres et de miroirs, chacun enfermé dans son propre mutisme. Le décor de Rudy Sabounghi, saturé de rouge, dit tout : la passion est un piège, la chambre un enfer. Tout y semble prêt à exploser mais rien ne cède. Même la lumière, tamisée par François Thouret, semble respirer avec peine. ⸻ Une tragédie d’empêchement Mayette-Holtz fait de Phèdre une tragédie de la claustration. Chaque personnage y souffre d’un désir qu’il ne peut ni dire ni vivre. Le huis clos prend ici toute sa force : le salon devient un théâtre du refoulé. Ce qui se murmurait sous le ciel de Nice se chuchote ici sous les tentures. On peut regretter, parfois, un certain lissage : Ève Pereur, bouleversante par sa sincérité, aurait gagné à déployer un peu plus la rage, la grandeur d’une Phèdre au bord du gouffre. Mais ce choix de la fragilité donne une couleur singulière à la pièce : une tragédie du trouble plus que du tonnerre. ⸻ 🅵🅵 FOUD’ART Une Phèdre charnelle, fiévreuse, pleine de contradictions. Muriel Mayette-Holtz signe une lecture sensuelle et moderne de Racine, où la langue s’écoute comme un battement et où chaque silence pèse comme un crime. Un rouge battement de cœur où la faute devient musique. ⸻ Infos pratiques PHÈDRE Texte Jean Racine Mise en scène Muriel Mayette-Holtz Avec Ève Pereur, Nicolas Maury (en alternance avec Muriel Mayette-Holtz), Jacky Ido, Augustin Bouchacourt, Charles Berling Décor et costumes Rudy Sabounghi • Lumière : François Thouret • Musique : Cyril Giroux • Slam : Jacky Ido Crédit photo Virginie Lançon La Scala Paris Du 18 au 26 octobre 2025 • Durée 1h30 • À partir de 12 ans 
- LE BRUIT DES PIERRES – Le vivant au bord du précipice🅵🅵🅵 FOUD’ART – Quand le cirque, l’acrobatie et la performance dialogue avec la matière du monde ⸻ Entre ciel et gravité Suspendues dans le vide, les pierres respirent, oscillent, grondent. Elles menacent de tomber, de se briser, de nous emporter avec elles. Dans Le Bruit des pierres , le collectif Maison Courbe – formé par Domitille Martin , Nina Harper et Ricardo Cabral – imagine un théâtre du minéral, un poème de gravité et de résistance. Présenté dans le cadre du festival Transforme – Paris initié par la Fondation d’entreprise Hermès , ce spectacle hybride mêle cirque, performance et arts plastiques dans un espace mouvant où le corps humain apprend à vivre avec ce qui le dépasse. Domitille Martin, sculptrice de matière, Nina Harper, circassienne brésilienne fascinée par la suspension, et Ricardo Cabral, metteur en scène nourri d’écologie et de philosophie du vivant, composent ici une œuvre sans parole, où tout se joue dans le frottement : celui du corps contre la roche, du son contre le silence, de l’humain contre le temps. ⸻ Une dramaturgie du fragile Rien ne tient, tout peut basculer : voilà le cœur dramatique de Le Bruit des pierres . Les artistes évoluent parmi des roches reliées entre elles par un équilibre précaire, comme une métaphore de notre planète suspendue à un fil. La tension scénique, constante, évoque cette épée de Damoclès écologique qui pèse sur notre monde. Chaque geste devient tentative d’alliance, d’écoute, de coopération. Le corps humain s’inspire du minéral pour chuter, rouler, peser, durer . Le spectacle, librement inspiré du texte La Chute du ciel de Davi Kopenawa, trouve là son fil dramaturgique : comment retisser un lien sensible avec la Terre , alors que tout menace de s’effondrer. ⸻ Une matière sonore et lumineuse La beauté de Le Bruit des pierres tient autant dans ce qu’on voit que dans ce qu’on entend. Les sons — crissements, impacts, frottements — sont captés et transformés en direct, tissant une bande-son organique signée Nova Materia . À cette texture sonore répond la lumière de Marie Sol Kim , qui fait basculer la scène du souterrain au cosmique, du micro au macro. Une grammaire sensorielle subtile, qui plonge le spectateur dans un état d’écoute rare. Ici, les pierres parlent , et l’humain, pour une fois, se tait. ⸻ Un geste collectif, transdisciplinaire et terrien Maison Courbe travaille à trois voix, trois langues (portugais, français, plastique). Leur méthode repose sur l’improvisation, le jeu et la rencontre entre disciplines : cirque, sculpture, performance sonore. Comme dans la genèse du spectacle, où chaque créateur a dû abandonner son propre langage pour apprendre celui de l’autre, Le Bruit des pierres est avant tout une expérience d’altérité : l’art comme manière d’écouter ce qui n’a pas de bouche. ⸻ Un théâtre du vivant, sans slogans Ce que le spectacle parvient à éviter — et c’est bien agréable — c’est le piège du discours moralisateur. Ici, l’écologie n’est pas une thèse, mais une sensation . Les pierres en suspension, les équilibres précaires, les gestes de soin et de réparation évoquent une urgence sans la clamer. Le spectateur sort avec un sentiment paradoxal : la beauté du monde persiste, mais elle ne tient qu’à un souffle. ⸻ Verdict FOUD’ART Le Bruit des pierres est un objet scénique unique d’une poésie rare, un cirque métaphysique où la matière devient mémoire, et la gravité, dramaturgie. On aurait parfois aimé que la narration s’ouvre davantage, que le fil dramatique prenne plus de chair, mais la cohérence plastique et la puissance évocatrice suffisent à fasciner. Un spectacle fragile et nécessaire, qui rappelle que le théâtre, quand il s’écoute autant qu’il se regarde, peut encore réinventer le lien entre art et monde. 🅵🅵🅵 FOUD’ART – Une expérience sensorielle et poétique, à la lisière du vivant. ⸻ Le Bruit des pierres – Collectif Maison Courbe Création 2025 au Théâtre municipal de Grenoble Vu dans le cadre du Festival Transforme – Paris 🎭 16 & 17 octobre 2025 – Théâtre de la Cité internationale Crédit photo © Christophe Raynaud de Lage 
- La Edad de Oro – Le flamenco, entre feu et silence🅵🅵🅵🅵 FOUD’ART – Israel Galván fête vingt ans d’un chef-d’œuvre incandescent ⸻ Le retour d’un mythe vivant Vingt ans après sa création, La Edad de Oro revient sur scène au Théâtre du Rond-Point, portée par celui que le monde surnomme “le Nijinski du flamenco”. Israel Galván, génie sévillan à la croisée de la tradition et de l’avant-garde, revisite ce solo devenu culte, accompagné de la voix magnétique de María Marín et de la guitare épurée de Rafael Rodríguez . Ce n’est pas une reconstitution, encore moins un hommage nostalgique : c’est une renaissance . Un geste d’artiste mûri, affûté, plus radical encore — comme s’il rejouait son propre manifeste : « Pour moi, le bruit est silence. » ⸻ Un feu sacré sous contrôle La danse de Galván est un paradoxe vivant. Elle tient à la fois du duel et de la prière, de la transe et de la retenue. Sur un plateau presque nu, il érige son corps en instrument de percussion : le sol résonne, les bras sculptent l’air, le torse devient caisse claire. À chaque claquement, une phrase ; à chaque silence, une tension suspendue. Cette précision extrême, entre cri et murmure, minimalisme et déflagration, confère à sa danse une intensité hypnotique. Certains parlent d’« une tension musicale irrésistible », d’autres évoquent « un orgasme d’atmosphère » : deux formules justes pour décrire cet entre-deux sensuel et spirituel, où le corps devient à la fois instrument et langage. ⸻ Un âge d’or sans ornement La Edad de Oro s’ancre dans la mémoire du flamenco tout en dynamitant ses codes. Le trio – chant, guitare, danse – rappelle les origines, mais Galván, par ses syncopes, ses suspensions, ses déséquilibres, détourne le rituel. Sa gestuelle unique décompose le compás ancestral ; il tord les conventions machistes avec un humour discret, parfois parodique, souvent bouleversant. À la fin, les trois artistes échangent leurs rôles dans un clin d’œil jubilatoire : le bailaor devient chanteur, le guitariste danseur. Le flamenco, art de l’identité, devient ici art de la métamorphose . ⸻ Un choc esthétique et sensoriel Le miracle Galván tient à ce qu’il ne joue pas le flamenco : il le vit, il l’habite. Chaque geste, chaque regard, chaque vibration de son pied semble traversé par des siècles de mémoire. Son corps respire Séville, mais son esprit regarde ailleurs : vers le contemporain, le burlesque, le silence. Sa virtuosité n’éblouit jamais gratuitement ; elle émeut par sa justesse. Il y a chez lui un humour rare, une ironie tendre, une distance qui sauve du pathos. Un équilibre subtil entre féminin et masculin, entre l’animal et le céleste. Certains spectateurs seront peut-être déroutés, d’autres y verront un absolu. Mais nul ne sort indifférent de cette cérémonie dépouillée, traversée par le duende , le feu sacré du flamenco. ⸻ Un chef-d’œuvre incandescent et intemporel. Galván transcende la tradition et réinvente le présent. Un solo qui n’a pas pris une ride, mais brûle encore plus fort. 🅵🅵🅵🅵 – Mystique, ironique, organique : le flamenco dans sa forme la plus pure et la plus libre. ⸻ La Edad de Oro Chorégraphie et danse Israel Galván Cante María Marín • Guitare Rafael Rodríguez Théâtre du Rond-Point 15 > 18 octobre 2025 • Durée 1h10 En partenariat avec le Théâtre de la Ville Crédit Photo Isabelle Louvier 
- TOUT VA MÂLE ? – Les hommes se mettent à nu (ou presque)🅵 FOUD’ART – Comédie musicale réjouissante sur la fragilité masculine ⸻ Après Ménopause, la version testostéronée Alex Goude et Jean-Jacques Thibaud prolongent l’aventure côté mâles. Tout va mâle ? scrute, avec humour et tendresse, ce que veut dire “être un homme” aujourd’hui. Trois âges, trois zones de turbulence : Thomas , PDG en panne de sens ; Romain , bibliothécaire déboussolé par les nouvelles règles du jeu amoureux ; Jérémy , coach sportif en quête d’une virilité apaisée. Au milieu : Becky , sexothérapeute fantasque, bien décidée à remettre leurs certitudes - et leurs égos - en mouvement. ⸻ Un show en pleine forme Dès l’ouverture : ça chante, ça danse, ça rit. La mise en scène d’Alex Goude transforme le cabinet de thérapie en plateau pop où les névroses se déclinent en chorégraphies et refrains décalés. Troupe soudée, énergie collective, autodérision à tous les étages - le public se reconnaît et embarque. Les détournements de tubes font mouche. Derrière la drôlerie, on devine une observation fine du masculin contemporain. On rit des tics, des obsessions, des maladresses - sans jamais rire des personnages. ⸻ L’humour comme miroir salutaire Sous le vernis feel-good un brin potache, le spectacle regarde droit dans les yeux : fin du patriarcat, peur de vieillir, injonction de performance, difficulté d’aimer sans dominer. L’écriture choisit la légèreté plutôt que la leçon : on préfère le rire à la culpabilité. Ce ton bienveillant rend l’ensemble très accessible - parfois un peu trop : on rit beaucoup, on est touché par ces “mâles en pause” qui osent enfin leurs failles. ⸻ Entre caricature et tendresse Oui, certains jeux de mots sont faciles, et quelques clichés résistent. On voit venir certaines chutes, les dialogues privilégient parfois la mécanique comique à la nuance. Mais cette légère outrance fait partie du charme : tout est assumé, populaire, sincère. Ce mix de burlesque et de tendresse fédère. On rit - c’est l’essentiel - mais on aurait aimé, par endroits, creuser davantage : solitude, peur, désir, réinvention. ⸻ 🅵 FOUD’ART – Un spectacle qui renvoie les hommes à eux-mêmes… en éclats de rire. Alex Goude retrouve sa patte : théâtre musical accessible, rythmique, bienveillant. Tout va mâle ? ne démontre pas, il décomplexe. Le rire devient outil de libération, respiration collective dans une époque lourde sur les épaules. Tout ne va pas “mâle” avec la même intensité - certaines scènes flirtent avec la caricature - mais la sincérité du projet, l’énergie et le talent des interprètes emportent la mise. Généreux, populaire, salutaire : un vrai bon moment, à prendre sans prise de tête, l’esprit ouvert. Et un petit pas de plus vers une masculinité apaisée. ⸻ Infos pratiques TOUT VA MÂLE ? Comédie musicale d’ Alex Goude & Jean-Jacques Thibaud Mise en scène : Alex Goude Chorégraphies : Johan Nus (avec Alexia Cuvelier ) • Musiques Philippe Gouadin & Frédéric Ruiz • Costumes Frédéric Schamberger • Lumières Emmanuel Cordier Le Grand Point Virgule Jusqu’au 4 janvier 2025 • Mer–Ven 21h • Sam 18h & 21h30 • Dim 17h & 19h • Durée 1h30 
- LES MONOLOGUES DU VAGIN – Refaire entendre le corps🅵🅵🅵 FOUD’ART - Un classique féministe réarmé, plus inclusif, plus tendre, toujours nécessaire ⸻ Trente ans après le coup de tonnerre d’Eve Ensler, Aurore Auteuil remet Les Monologues du Vagin sur le plateau du Studio Marigny . Une reprise ? Oui. Un simple « remake » ? Non. Par une mise en scène sobre et sensible , un trio d’interprètes complémentaires (Aurore Auteuil, Galia Salimo , Camille Léon-Fucien ) et l’intégration assumée d’une voix trans , le spectacle - qui privilégie l’empathie à l’effet de manche - redonne à la parole des corps son acuité politique et son humanité. ⸻ Pourquoi y retourner en 2025 ? Parce que l’époque recule sur l’essentiel . Auteuil assume une nécessité viscérale : replacer la parole des femmes au centre et élargir le chœur à celles qu’on a trop souvent tues - les femmes trans . La version 2017 de V (Eve Ensler), intégrée ici, fait de cette reprise une boussole plus qu’un souvenir . L’enjeu n’est plus de choquer, mais de relancer l’écoute : remettre du vivant dans un texte que l’on croit connaître. Ici, le vagin n’est pas un totem , mais une porte d’entrée vers l’intime , la honte, le plaisir, les violences, la dignité. En ouvrant le spectre, Aurore Auteuil rappelle que le féminin n’est pas un bloc , mais un continuum d’expériences - et que c’est là que le théâtre, aujourd’hui, retrouve sa nécessité. ⸻ Une mise en scène de l’attention Pas d’esbroufe. Plateau épuré , déplacements parcimonieux, lumières ciselées et musique discrète : Auteuil cadre le regard et laisse les mots faire leur travail. Pas d’illustration didactique, mais une scénographie de la nuance , qui accompagne les bascules de ton (du burlesque au tragique) sans les souligner au stabilo. La durée (1h20) tient la tension, avec quelques respirations bienvenues lorsque le texte s’alourdit ou devient un peu daté. ⸻ Trois voix, trois trajectoires Une des très bonnes idées d’Aurore Auteuil est d’avoir réuni trois voix singulières sur scène. En plus d’elle-même, pleine d’énergie et d’émotion, Galia Salimo apporte la mémoire d’une vie combattue : présence charismatique , fêlure tenue, parole trans qui incarne et ne « coche » rien. Camille Léon-Fucien , elle, joue l’élan : modernité, précision rythmique, humour sec , bascules de la légèreté à la brûlure. Le trio respire ensemble . Les monologues circulent, se relaient, se contredisent parfois, mais se combinent toujours dans une même écoute . ⸻ Ce qui frappe Quelques monologues “patrimoniaux” paraissent un ton en dessous - fatigue d’oreille plus que faiblesse de jeu. Mais du manifeste à la confidence, la pièce retrouve sa respiration chorale . L’ajout de l’inclusion trans et le petit passage bienvenu sur le clitoris permettent de réintroduire la notion de plaisir , rééquilibrant la colonne “jouissance” face à la colonne “violences”. ⸻ FOUD’ART 🅵🅵🅵 On peut légitimement se demander : pourquoi rejouer encore ce texte si souvent monté ? La réponse est sur scène. Tant que des femmes se feront réduire à un désir disponible , tant que le plaisir féminin restera mal transmis , tant que les agressions persisteront et que la dignité des femmes trans sera publiquement contestée, ces monologues demeureront nécessaires. Cette version rappelle que si le théâtre ne règle rien, il rallume la mèche. Ici, pas de leçon, pas de posture - juste des voix qui persistent à exister . Trente ans après Ensler, la colère a changé de ton, pas de raison . Et tant qu’on confondra désir et domination , ces Monologues resteront indispensables . ⸻ Infos pratiques Les Monologues du vagin Pièce écrite par V (Eve Ensler) Mise en scène Aurore Auteuil Avec Aurore Auteuil, Galia Salim, Camille Léon-Fucien Studio Marigny Du 13 octobre au 23 décembre 2025 – lundis et mardis, 20h • Durée 1h20 
- Le Professeur – L’engrenage de la lâcheté🅵🅵 FOUD’ART – Un texte implacable, une interprétation bouleversante mais inégale ⸻ Quand le théâtre affronte la peur C’est un texte qu’on aborde avec le souffle court. Avec Le Professeur , Émilie Frèche s’attaque à l’un des traumatismes les plus profonds de notre société : l’assassinat de Samuel Paty, en octobre 2020. Inspirée par les faits réels, nourrie de documents et d’échanges avec Mickaëlle Paty, la sœur du professeur, l’autrice remonte le fil des dix jours qui ont précédé le drame. Dix jours d’incompréhensions, de lâchetés, d’inactions, d’erreurs humaines et institutionnelles. Dix jours où tout aurait pu, peut-être, être évité. Dans ce monologue choral, une seule voix – celle d’un professeur acculé – incarne toutes les autres : l’élève, le père, les collègues, les responsables, les référents, les lâches. Muriel Mayette-Holtz a fait le choix d’un seul en scène, confié à Carole Bouquet, pour mieux entendre cette polyphonie du silence. ⸻ Une tragédie civique « Il n’avait commis aucune faute, et pourtant on lui a demandé de s’excuser. » Cette phrase, répétée en ouverture, donne le ton. Tout au long du texte, Émilie Frèche déploie une mécanique dramatique d’une précision chirurgicale. Elle dissèque la fabrique du scandale : l’accusation infondée d’une élève absente, l’emballement des réseaux, l’indifférence hiérarchique, les couloirs administratifs, les réunions creuses, la peur, la désolidarisation. Petit à petit, le drame se met en marche – implacable, presque abstrait – jusqu’à l’issue tragique que nous connaissons tous. Le texte, d’une justesse rare, touche par sa sobriété. Sans pathos ni vengeance, il rend à Samuel Paty ce que la barbarie lui a ôté : son corps, sa voix et sa pensée . Émilie Frèche parvient à restituer la dignité d’un homme qui, dans sa solitude, a continué à croire à la liberté d’expression. ⸻ Carole Bouquet, la retenue et la faille Sur scène, Carole Bouquet se tient seule, drapée de noir, derrière un simple pupitre, devant un écran immense. Aucune fioriture : tout repose sur la parole. Sa présence impose immédiatement le respect. Sa voix, grave et feutrée, porte les mots avec élégance et sincérité. Mais cet exercice d’une rare exigence – une lecture incarnée, presque sans respiration – met parfois la comédienne à l’épreuve. Quelques hésitations, un souffle court, une tension perceptible brouillent par instants la clarté du propos. Est-ce la charge émotionnelle du texte, ou la fatigue d’une partition trop rigide ? Difficile à dire. Il arrive qu’on souffre presque pour elle. Et c’est peut-être là le paradoxe du spectacle : l’émotion passe, mais la gêne s’installe aussi . On se sent pris entre l’admiration et le malaise, entre la gravité du sujet et la fragilité de l’interprète. Heureusement, la puissance du texte finit par reprendre le dessus : la parole d’Émilie Frèche transcende tout. ⸻ Un théâtre pour affronter l’indicible Muriel Mayette-Holtz signe une mise en scène sobre, frontale, qui laisse toute la place à la parole. Elle refuse l’illustration pour privilégier la pensée, et transforme la scène en espace civique. Le théâtre, ici, n’est plus simple représentation : il devient un acte de mémoire, de résistance et de fraternité . Face à la barbarie, face à la peur, il nous oblige à regarder en face ce que nous n’avons pas voulu voir : la somme de nos renoncements. ⸻ 🅵🅵 FOUD’ART Un texte puissant, précis et nécessaire, porté par une actrice immense mais mise à rude épreuve. On ressort bouleversé, secoué, un peu gêné aussi , comme si la parole trop juste du texte dépassait la scène elle-même. Malgré ses fragilités, Le Professeur reste un moment de théâtre essentiel : celui qui oblige à penser, à douter, à se souvenir. ⸻ Infos pratiques Le Professeur Texte Émilie Frèche Adaptation et mise en scène Muriel Mayette-Holtz Avec Carole Bouquet Scénographie & Costumes Rudy Sabounghi • Lumières François Thouret • Musique Cyril Giroux LA SCALA PARIS Du 9 octobre au 14 décembre 2025 • Du mercredi au samedi à 19h, dimanche à 15h • Durée 1h05 
- SWAN LAKE – Le mythe renversé de Matthew Bourne🅵🅵🅵 FOUD’ART – Un choc visuel et dramaturgique… qui divise sur le fond ⸻ Trente ans après sa création, Swan Lake version Matthew Bourne revient à Paris avec sa meute de cygnes masculins et sa lecture sombre des désirs inassouvis. Puissant, audacieux, impeccablement produit , le spectacle électrise La Seine Musicale. Mais en déplaçant l’axe narratif vers le Prince et sa mère, Bourne réécrit le conte au risque d’en éroder l’essence romantique . Un événement majeur… et un débat ouvert. ⸻ Un mythe retourné comme un gant Ici, pas d’Odette en tutu ni de sortilège littéral. Bourne théâtralise Tchaïkovski : scénographie monumentale, humour de situation, sens du cadre quasi cinématographique. Lez Brotherston signe des décors et costumes d’une lisibilité exemplaire : lit démesuré, palais étouffant, boîte de nuit clinquante, asile blafard - chaque tableau raconte autant que la danse. Le Prince au centre : désir, norme, vertige Le cœur dramaturgique est le Prince , écrasé par le protocole et une Reine de glace. Sa rencontre avec le Cygne - figure mâle, sauvage et magnétique - déverrouille le désir et la possibilité d’être soi. Le pas de deux fondateur est magnifiquement conduit : portés francs, respirations tendues, rapport de forces mouvant. La relation mère/fils est d’une justesse cruelle : quasi œdipienne, jamais appuyée. Et tout au long du ballet, Bourne varie les styles - du classique au contemporain en passant par le modern jazz - sans jamais céder au collage gratuit : un langage hybride cohérent , reflet du trouble intérieur du Prince. La meute des cygnes : beauté brute Le corps de ballet masculin est la grande idée de Bourne. Ancré, fauve, rageur , il conjugue virilité et délicatesse. La fameuse scène du lac est un uppercut : lignes nettes, frappes au sol, élans groupés qui sculptent l’espace, entre rage et pureté. ⸻ Ce qui emporte Ce Swan Lake hypnotise d’abord par son énergie visuelle et musicale . Chaque tableau respire la tension dramatique, la pulsation du corps et du son. La partition de Tchaïkovski, magnifiée par l’orchestration, se marie à une gestuelle précise et viscérale : un flux continu qui serre la gorge et happe le regard. On est également frappé par la clarté de la mise en scène . Bourne raconte sans paroles, mais tout se comprend. Chaque décor, chaque transition, chaque mouvement exprime l’enfermement, la quête et la chute du Prince. Cette lisibilité, rare dans la danse contemporaine, donne au spectacle une force théâtrale irrésistible. Et puis, il y a la meute . Ce corps de ballet masculin, désormais mythique, impose sa présence comme un manifeste. Sauvage, sensuel, indompté, il incarne la puissance brute et la fragilité mêlées. À lui seul, il fait du spectacle une icône pop, un emblème de liberté et de métamorphose. ⸻ Ce qui interroge Mais sous la perfection du geste et l’éclat de la forme, l’essence du conte se délite peu à peu. En recentrant tout sur le Prince, Bourne transforme le mythe romantique en drame intérieur. La dialectique Odette/Odile - cœur battant du Lac original - devient ici pure métaphore, jusqu’à parfois s’effacer. On admire l’intelligence de la réécriture, mais on regrette parfois la perte de mystère. Le personnage de la “petite amie imposée” , lui, peine à trouver sa place. Figure de comédie sociale, presque caricaturale, elle détourne momentanément le regard sans jamais nourrir la tragédie. Une silhouette plus décorative que dramatique. Enfin, l’acte du bal , sommet attendu, laisse un sentiment d’inachèvement. La surenchère visuelle et la tension érotique séduisent, mais l’émotion s’y disperse. Le Cygne noir - ou plutôt l’Étranger - fascine sans réellement bouleverser. La scène brille, mais n’émeut pas toujours. ⸻ 🅵🅵🅵 FOUD’ART – Immanquable pour l’œil et la scène, discuté sur le fond. Bourne révolutionne l’iconographie du Lac et signe un très grand théâtre dansé . Si l’on accepte que le romantisme s’y dissolve dans un drame psychologique contemporain, l’expérience est saisissante . Si l’on cherche le frisson du mythe originel, on peut rester à distance . Reste un spectacle majeur , qui continue de faire parler - et c’est aussi à cela qu’on reconnaît les classiques. ⸻ Infos pratiques Swan Lake – The Next Generation Direction artistique & chorégraphie Matthew Bourne Musique Piotr Ilitch Tchaïkovski Scénographie • décors • costumes Lez Brotherston • Lumière Paule Constable Crédit Photo Johan Persson La Seine Musicale Du 9 au 26 octobre 2025 • Du mardi samedi à 20h. Samedi et dimanche à 15h • Durée : 2h30 (avec entracte) 
- KILLER JOE – Théâtre du sale et de la survie🅵🅵 FOUD’ART – Quand la comédie noire devient miroir de la misère Un thriller familial à la limite du supportable, où l’on rit jaune avant de détourner les yeux. ⸻ Pulp de caravane, version Paris Première adaptation française de Killer Joe , la pièce culte de Tracy Letts (1993). Un thriller familial à la fois hilarant, sordide et tragique , où la misère, la luxure et la cupidité tordent les liens du sang. Sous la direction de Patrice Costa , Benoît Solès et Rod Paradot s’affrontent dans un huis clos moite, poisseux, presque biblique — une descente dans la stupidité humaine qui serre la gorge et fait rire jaune . Letts, héritier sauvage de Tennessee Williams et Sam Shepard , signe ici un théâtre de la limite, où le grotesque flirte avec le réel . Le texte, quasiment intégralement repris, garde sa crudité : dialogues crus, éclats de rire nerveux, scènes d’humiliation, et cette tension constante où le rire devient une arme de survie . Créée en 1993 à Chicago, la pièce révéla Letts au monde avant de devenir, en 2012, un film culte signé William Friedkin ( French Connection , L’Exorciste ), avec Matthew McConaughey en tueur à gages. Comme au cinéma, la version française navigue entre thriller, satire et cauchemar social . ⸻ Le jeu sous tension La mise en scène de Patrice Costa repose sur la puissance brute de ses interprètes , et c’est là que Killer Joe trouve sa force. En Joe , Benoît Solès impose une présence glaçante : froid, précis, presque reptilien , il distille la menace avec une rage rentrée qui ne demande qu’à exploser. Face à lui, Rod Paradot campe un Chris désespéré, fébrile, d’une sauvagerie fragile . Gamin paumé qui court après l’argent comme on court après l’air, il incarne la pulsion brute face au contrôle implacable de Solès. Entre eux, la scène devient un ring mental : classe contre chaos, calcul contre instinct, domination contre survie . La tension est physique, presque animale — un duel haletant où chaque silence devient une arme. Autour de ce face-à-face, Olivier Sitruk et Pauline Lefèvre forment un couple cynique, englué dans sa propre médiocrité : bons relais dramatiques, mais qu’on aimerait voir plonger plus profondément dans le trouble. Et au centre, Carla Muys , dans le rôle de Dottie , capte la lumière : candide et troublante , elle devient à la fois victime et catalyseur . Sous sa douceur affleure une sensualité inquiète, une attirance pour le danger, presque enfantine. Pivot du marchandage , Dottie incarne l’ innocence pervertie , ce point de bascule où la morale s’effondre et où tout devient négociable — corps, amour, dignité. C’est elle qui donne à Killer Joe sa part d’humanité, celle qu’on préférerait ne pas voir . Le rythme ne faiblit jamais : le spectacle avance comme une mèche qui brûle , tendu vers un final au vitriol où la comédie noire bascule brutalement dans la tragédie sordide. ⸻ Ce qui manque encore Mais si le jeu convainc, le plateau reste trop propre . Killer Joe réclame le chaos , la graisse , la poussière : un univers poisseux où la télévision remplace Dieu et où la bière fait office d’espérance. Ici, tout semble encore trop sage — un joli décor de théâtre là où il faudrait un mobile-home en décomposition . Même impression du côté du verbe et du corps : les comédiens parlent trop bien, bougent trop bien . Or Letts écrit pour les gens cabossés , ceux dont la syntaxe boite comme leurs vies. Ce théâtre n’est pas fait pour être fluide, mais pour heurter . Enfin, la question du regard sur la violence faite aux femmes reste en suspens. Elle est montrée — parfois frontalement — mais rarement interrogée. Le malaise est là, palpable, mais le regard critique manque encore de tranchant. ⸻ Plateau & atmosphère La lumière cisèle les visages , la musique installe une tension sourde . Tout est maîtrisé, trop peut-être. Killer Joe devrait sentir la moiteur et la misère , le canapé collant , la télé qui hurle en arrière-plan. Ici, le plateau reste un peu lisse, comme s’il refusait la laideur . Or chez Letts, le décor est un personnage à part entière : il raconte la déchéance mieux qu’un monologue. Tant que la scène ne se salira pas, le cauchemar restera théorique . ⸻ 🅵🅵 FOUD’ART Un duel d’acteurs impressionnant , un final au vitriol , une pièce culte qui trouve enfin voix en français. Mais il manque à cette adaptation le jus poisseux qui fait la grandeur de Letts : la sueur, le dégoût, la peur du vide. Killer Joe n’est pas une œuvre élégante : c’est un vivarium de misère , un théâtre de la honte où chaque rire se paie au prix fort . Ici, le malaise prend — mais ne mord pas encore jusqu’à l’os . Reste une œuvre courageuse, amorale, fascinante , portée par deux comédiens en état de tension pure , et par une jeune actrice ( Carla Muys ) qu’on suivra de près . Un spectacle à voir pour ressentir ce que le théâtre, trop souvent, oublie : l’inconfort. ⸻ Infos pratiques KILLER JOE – de Tracy Letts Adaptation Patrice Costa & Sophie Parel Mise en scène Patrice Costa Avec Benoît Solès (Joe), Rod Paradot (Chris), Olivier Sitruk, Pauline Lefèvre, Carla Muys Lumières Denis Koransky • Scénographie Georges Vauraz • Costumes Mélisande de Serres • Chorégraphies Sophie Mayer • Musiques Yann Coste (avec Neil Chablaoui) Crédit photo © Patrick Fouque Théâtre de l’Œuvre Du 9 octobre 2025 au 4 janvier 2026 • Jeu–sam 21h / Dim 18h – Relâches : 25/12 & 01/01 • Durée 1h30 • Déconseillé aux -16 ans – Présence de lumières clignotantes 
- Peau d’homme – Ode queer et renaissance de la liberté🅵🅵🅵🅵 FOUD’ART – Quand la comédie musicale fait sa révolution ⸻ Un retour flamboyant àla Comédie des Champs-Élysées L’hiver dernier, Laure Calamy , avec son talent hors pair et son charme renversant, avait embrasé le Théâtre Montparnasse avec Peau d’homme , dynamitant la saison théâtrale. Cette année, le phénomène revient pour 60 représentations exceptionnelles à la mythique Comédie des Champs-Élysées . Une occasion en or de (re)découvrir ce bijou théâtral, aussi réjouissant qu’inspirant, où Pauline Cheviller reprend le flambeau avec une intensité éblouissante et une voix en or. ⸻ Une comédie musicale renversante Adapter la bande dessinée culte d’ Hubert et Zanzim en comédie musicale relevait du pari fou. Léna Bréban l’a fait – et avec un panache renversant. Peau d’homme devient sur scène une fresque féministe, queer et jubilatoire , un tourbillon d’énergie et d’humour où le rire côtoie la réflexion. Dans l’Italie de la Renaissance, Bianca , jeune fille promise à un mariage arrangé, découvre grâce à une marraine fantasque une « peau d’homme » magique lui permettant d’explorer le monde masculin. En devenant Lorenzo , elle goûte à la liberté, découvre l’amour et se confronte à la face cachée de son fiancé. Derrière les éclats de rire et les paillettes, le message est clair : la quête d’identité, le droit à la différence et la remise en question des normes sont au cœur de ce conte moderne et furieusement actuel. ⸻ Pauline Cheviller, en feu ! Sur scène, Pauline Cheviller est une révélation. Elle passe du féminin au masculin avec une aisance vertigineuse, mêlant grâce et malice, force et fragilité. Sa présence irradie, son humour désarme, sa sincérité bouleverse. Autour d’elle, la troupe se distingue par une énergie communicative : Valentin Rolland en fiancé ambivalent, Vincent Vanhée en religieux glaçant et Camille Favre-Bulle (ou Léna Bréban ) en marraine excentrique forment un ensemble étincelant. Mention spéciale à Adrien Urso , désopilant en bigote hystérique. ⸻ Un cabaret queer et satirique La mise en scène de Léna Bréban joue avec les codes du théâtre populaire : elle brise le quatrième mur, interpelle le public, multiplie les clins d’œil à notre époque. Les chansons signées Ben Mazué ajoutent une touche de modernité, intime et poétique, tandis que les chorégraphies de Leïla Ka électrisent la scène. Sous ses airs de farce colorée, Peau d’homme se fait critique du patriarcat, satire sociale et célébration de l’émancipation. Seule petite réserve : le décor , un brin sage pour une production de cette ampleur. Mais les costumes d’Alice Touvet, flamboyants et inventifs, compensent largement cette retenue. ⸻ Un OVNI théâtral jouissif Audacieux, drôle, bouleversant : Peau d’homme est une comédie musicale comme on en voit peu. C’est une ode à la tolérance et à la liberté , une explosion de rires et d’émotions, un manifeste joyeux porté par une distribution irrésistible. Léna Bréban signe un spectacle total, entre cabaret queer, satire sociale et conte initiatique. ✨ Un spectacle jubilatoire, porté par une Pauline Cheviller étincelante, à voir absolument ! ⸻ Infos pratiques Peau d’homme d’après la bande dessinée d’ Hubert et Zanzim Adaptation et mise en scène Léna Bréban Avec Pauline Cheviller, Valentin Rolland, Vincent Vanhée, Adrien Urso, Camille Favre-Bulle, Léna Bréban, Emmanuelle Rivière, Aurore Streich, Régis Vallée, Jean-Baptiste Darosey Musiciens Clément Simounet, Clément de Witt Chansons Ben Mazué • Chorégraphie Leïla Ka • Décors Juliette Azzopardi & Jean-Benoît Thibault • Costumes Alice Touvet • Lumières Denis Koransky Comédie des Champs-Élysées Du 8 octobre 2025 au 25 janvier 2026 • Du mercredi au samedi à 21h, le dimanche à 16h • Durée 1h45 


















