google.com, pub-7957174430108462, DIRECT, f08c47fec0942fa0
top of page

« Le Conte d’Hiver » : Shakespeare entre rêve, rage et rédemption

Une relecture fiévreuse, sensorielle et bouleversante d’un chef-d’œuvre shakespearien, où l’intime se mêle à l’épique, la folie à la rédemption. Au Théâtre Gérard-Philipe, la jeune génération frappe fort.



Un hiver brûlant à Saint-Denis


Au Théâtre Gérard-Philipe, Le Conte d’Hiver renaît dans une version à la fois dépouillée et vertigineuse, portée par deux jeunes metteure·s en scène issu·es du CNSAD, Agathe Mazouin et Guillaume Morel. Dans le cadre du programme Premiers Printemps, cette création chorale donne une voix forte et actuelle à l’une des œuvres les plus mystérieuses de Shakespeare. Jalousie, chaos, renaissance : ici, les tempêtes sont intérieures, et le théâtre devient un terrain d’éveil politique et sensible.



Quand un soupçon fait tout exploser


Léontes a tout. Le pouvoir, l’amitié, une épouse aimante. Mais un regard de trop entre Hermione et son ami Polixènes suffit à faire germer le doute. De ce soupçon naît un délire, une paranoïa qui se propage comme un feu de forêt. Il condamne son épouse, fait bannir sa fille, provoque indirectement la mort de son fils. Le roi n’est plus qu’un homme dévoré par ses propres monstres.


Sur scène, l’univers visuel et sonore épouse la dérive mentale du personnage. Tout vacille : lumières, espace, langage. La scénographie semi-circulaire devient le théâtre d’un effondrement intérieur. Et le public, pris à témoin, bascule avec lui.



Un procès sous les projecteurs : Hermione face au patriarcat


Le troisième acte atteint un sommet d’intensité : le procès public d’Hermione, retransmis en vidéo, met la salle en position de juré. Ce n’est plus du théâtre, c’est un miroir tendu à notre époque. Hermione et Paulina plaident face au regard écrasant du roi et de la salle. Les mots résonnent fort, surtout ceux de Paulina : « Peut-être ai-je trop montré la vivacité dont une femme est capable. » On ne peut s’empêcher de penser à ce que ce texte, écrit il y a quatre siècles, dit encore des violences d’aujourd’hui.



Un rêve de Bohême, ou la fuite vers l’imaginaire


Puis la pièce bifurque. Seize ans plus tard, Shakespeare convoque une Bohême bigarrée, irréelle, où tout semble permis. Le spectacle s’envole vers une féerie étrange, proche d’un cauchemar de Tim Burton : amours adolescentes, travestissements, fête pastorale…

On ne sait plus si Léontes rêve ou s’il invente un monde pour fuir sa culpabilité. Cette fantaisie tardive est un souffle de liberté, un territoire du possible — mais aussi de l’oubli.



Pardon ou illusion ? Une fin en suspens


Quand Hermione réapparaît sous forme de statue vivante, la pièce ne tranche pas : miracle ou hallucination ? Réconciliation ou mise en scène du remords ?

Léontes embrasse ses morts. Les autres personnages s’éclipsent, le laissant seul. Pas de catharsis, juste une question lancinante : peut-on réparer l’irréparable ? Et jusqu’où va le pardon ?



Une troupe jeune, un geste fort, un théâtre vivant


Porté·es par une génération issue du Conservatoire, les douze interprètes incarnent avec finesse la complexité des figures shakespeariennes. Mazouin et Morel signent ici une mise en scène à la fois radicale et sensible. Ils s’attaquent à l’inconscient masculin, aux archétypes virils, à la monstruosité ordinaire. Et ça frappe fort.


Musique, lumières, vidéo, tout concourt à faire de ce spectacle un voyage mental, sensoriel, politique. On sort secoué·e, troublé·e, et profondément vivant·e.



Un Shakespeare d’aujourd’hui, pour aujourd’hui


Le Conte d’Hiver, version 2025, ne cherche pas à « moderniser » Shakespeare. Il l’incarne. Il le fait parler dans nos contradictions. Il nous tend un miroir où se reflètent le pouvoir, la violence, la mémoire, la tendresse, l’irréparable — et l’espoir ténu d’une autre fin.

Un spectacle total. Un geste fort. À voir absolument. Avis de Foudart 🅵🅵🅵🅵



Infos pratiques


Le Conte d’Hiver

De William Shakespeare

Mise en scène Agathe Mazouin & Guillaume Morel

Traduction Bernard-Marie Koltès

Avec Louis Battistelli, Myriam Fichter, Joaquim Fossi, Mohamed Guerbi, Olenka Ilunga, Eva

Lallier Juan, Julie Tedesco, Zoé Van Herck, Padrig Vion, Clyde Yeguete, Léo Zagagnoni,

Mathias Zakhar

Scénographie Andrea Baglione • Lumière Lucien Vallé • Musique John Kaced • Vidéo Camille Berthelot

Crédit photo ©Christophe Raynaud de Lage


Théâtre Gérard-Philipe

Du 21 au 25 mai 2025 • Mer, jeu, ven à 20h • Sam à 18h • Dim à 15h30Durée 2h20




Comments


bottom of page