Le rêve et la plainte : Une comédie baroque avant la fin du monde
- Bonfils Frédéric
- il y a 26 minutes
- 3 min de lecture
Rococo, absurde et fin de règne : un ovni théâtral signé Nicole Genovese et Claude Vanessa
Et si, à la veille de l’effondrement, on organisait un pique-nique au Petit Trianon ?
Avec Le rêve et la plainte, Nicole Genovese et Claude Vanessa signent une pièce aussi fantasque qu’inclassable, entre fable baroque, comédie burlesque et méditation existentielle. Sur fond de révolution imminente, Marie-Antoinette, la princesse de Lamballe et quelques amis devisent du monde qui s’écroule… entre deux tranches de pâté. Un spectacle absurde, hilarant et troublant, à voir absolument au Théâtre de La Tempête.
Versailles sous les grêlons : une conversation avant l’effondrement
Nous sommes au cœur du parc du Château de Versailles. La France vacille, mais au Petit Trianon, Marie-Antoinette vient de recevoir… une cuisine Mobalpa. Les courtisans s’y retrouvent pour parler politique, météo et corniches façon « un peu Versailles ». Entre considérations sur la fièvre du petit dernier et inquiétudes vagues sur l’économie, on papote, on se plaint, on joue à refaire le monde – sans jamais vraiment y croire.
Le texte, ciselé, joue avec le langage contemporain glissé dans un décor d’Ancien Régime. L’effet est savoureux : chaque phrase sonne comme un écho déformé d’un passé qui ressemble dangereusement à notre présent.
Théâtre de tréteaux et gracieuse décadence
La mise en scène de Claude Vanessa s’appuie sur une scénographie somptueuse. Au centre du plateau, un théâtre de tréteaux en bois exotique, tendu de toiles rococo peintes par Lùlù Zhang, plante le décor d’un monde raffiné prêt à s’écrouler. Francisco Mañalich, en musicien live à la viole de gambe, accompagne la pièce de compositions baroques et romantiques, en parfaite harmonie avec l’atmosphère suspendue du spectacle.
Les lumières de Pierre Daubigny enveloppent l’ensemble d’une clarté douce, presque irréelle. On flotte dans un espace-temps improbable, entre rêve éveillé et fin de partie.
Un verbe acide et contemplatif
Le rêve et la plainte étonne par sa structure : une suite de tableaux, de conversations, de respirations comiques. Rien ne suit un fil narratif traditionnel. Et pourtant, la progression est là : plus le temps passe, plus le ton se durcit, plus l’étrangeté se creuse. Le monde s’effondre, et eux continuent à deviser, comme si parler pouvait retarder la catastrophe.
Le texte joue sur l’humour second degré, la trivialité stylisée, les ruptures de ton. On pense à du Jean-Claude Carrière version punk, à une tragédie pastel portée par des courtisans inconscients.
Une distribution en état de grâce
Nicole Genovese, également sur scène, impose un style unique : drôle, distanciée, faussement naïve. Autour d’elle, les comédiens brillent par leur précision et leur subtilité. Maxence Tual, Nabila Mekkid ou encore Sébastien Chassagne font vivre ce ballet absurde avec une maîtrise réjouissante. Tout semble à la fois léger et profond, futile et essentiel.
Un spectacle singulier, jouissif et déroutant
Le rêve et la plainte ne ressemble à rien d’autre. À mi-chemin entre la fresque historique déglinguée et la fable poétique décalée, cette comédie douce-amère est une expérience de théâtre rare. On rit, on s’interroge, on se laisse porter. Et quand la lumière se rallume, on se retrouve dehors sans trop savoir ce qu’on vient de vivre, mais heureux, un peu sonnés – et le sourire aux lèvres. Avis de Foudart 🅵🅵🅵
Infos pratiques
Le rêve et la plainte
Texte Nicole Genovese
Mise en scène Claude Vanessa
Avec Solal Boloudnine ou Raouf Raïs, Sébastien Chassagne, Nicole Genovese, Robert Bogdan Hatisi, Francisco Mañalich, Nabila Mekkid, Angélique Zaini
Composition musicale Francisco Mañalich
Lumières Pierre Daubigny
Costumes Julie Dhomps
Scénographie Nicole Genovese et Pierre Daubigny
Peintures Lùlù Zhang
Photos © Charlotte Fabre
Théâtre de la Tempête
Du 2 au 25 mai 2025 • Du mardi au samedi 20h. Dimanche 16h • Durée 1h30


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