Un pari audacieux et une adaptation réussie
Dix ans après Un peu, beaucoup, aveuglément, Clovis Cornillac transpose son film sur les planches du Théâtre de la Michodière avec Mur Mure, une comédie romantique mise en scène par Jérémie Lippmann et adaptée par Lilou Fogli. Un défi de taille, tant la force du récit repose sur un concept scénographique singulier : deux inconnus, séparés par un mur mitoyen, développent une relation sans jamais se voir. Une idée ingénieuse qui, loin de se heurter aux contraintes du théâtre, y trouve une nouvelle dimension grâce à une mise en scène astucieuse.
Une mécanique bien huilée, portée par des comédiens impliqués
L’un des atouts majeurs de la pièce réside dans la dynamique entre les personnages. Clovis Cornillac, dans le rôle de Machin, incarne à merveille ce misanthrope bourru, créateur de casse-têtes improbables, tandis que Laurence Arné (Machine), apporte fraîcheur et nuance à son personnage de pianiste timide et excentrique. Leur relation, bâtie sur des échanges sans visuel direct, crée une tension dramatique savoureuse qui capte immédiatement l’attention du public.
Si le duo principal fonctionne, on peut regretter un certain déséquilibre dans la distribution. Certains personnages secondaires, comme la sœur délurée ou le professeur de piano tyrannique, frôlent la caricature, poussant parfois les situations à l’extrême. Si cela contribue au ton léger et humoristique, ces excès peuvent aussi donner un sentiment d’artificialité. En revanche, le « meilleur ami », incarné notamment par Arnaud Maillard, se distingue par une justesse et une tendresse rafraîchissantes. Son interprétation, oscillant entre maladresse touchante et humour fin, apporte une belle respiration à l’ensemble.
Une scénographie immersive au service du récit
Là où la pièce se démarque particulièrement, c’est dans l’utilisation ingénieuse de l’espace et du son. Le décor, qui alterne entre l’appartement sombre et désordonné de Machin et l’univers plus lumineux de Machine, traduit visuellement la confrontation entre ces deux solitudes. Mais c’est surtout le travail sonore qui impressionne : chaque bruit, chaque sonorité contribue à immerger le spectateur dans cette histoire où tout repose sur l’écoute. Des notes cristallines du piano aux bruits les plus agaçants du quotidien, chaque élément est minutieusement pensé pour renforcer l’immersion.
Une comédie romantique efficace mais sans révolution
Avec Mur Mure, Clovis Cornillac ne cherche pas à révolutionner l’art théâtral, mais plutôt à offrir un divertissement bien ficelé, rythmé et accessible. La pièce joue habilement avec les codes de la comédie romantique, sans toutefois s’éloigner d’une certaine prévisibilité. L’humour fonctionne, les émotions sont au rendez-vous, et l’ensemble séduit par sa sincérité et son efficacité.
Cependant, on peut ressentir une légère frustration en sortant du spectacle : si l’idée de départ est excellente et son exécution soignée, le traitement parfois caricatural des personnages secondaires et le manque de surprises narratives peuvent laisser une impression d’inachevé. On rit, on s’attache aux personnages, mais il manque peut-être cette touche de subtilité ou d’audace qui aurait fait de Mur Mure une pièce vraiment marquante.
Un divertissement charmant et bien mené
Mignon, touchant et drôle, Mur Mure est une comédie romantique efficace, portée par un Clovis Cornillac toujours aussi investi et une mise en scène soignée. Si elle ne prétend pas réinventer le théâtre, elle réussit son pari : offrir un spectacle agréable, bien construit et accessible à tous. Une belle parenthèse théâtrale, idéale pour les amateurs de comédie romantique et de belles histoires portées par des comédiens attachants. Avis Foudart 🅵
MUR MURE
Texte Lilou Fogli
Mise en scène Jérémie Lippmann
Avec Clovis Cornillac, Laurence Arné, Lilou Fogli, Arnaud Maillard et Boris Terral
Décors Jacques Gabel • Lumières Jean-Pascal Pracht • Costumes Chouchane Abello Tcherpachian • Musique et son David Parienti
Crédit Photo Emilie Brouchon
THÉÂTRE DE LA MICHODIÈRE
Du mercredi 29 janvier 2025 au dimanche 30 mars 2025 • Du mercredi au vendredi à 20h00 •
Le samedi à 16h30 et 20h30 • le dimanche à 15h • Durée 1h45

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