Dans une adaptation vibrante de la nouvelle de Stefan Zweig, "La Peur", Élodie Menant, Molière de la révélation féminine 2020, insuffle une nouvelle vie à cette œuvre, la transposant dans le contexte des années 50 avec une ingéniosité remarquable.
Zweig, maître incontesté de l'analyse psychologique, a eu le talent de condenser le destin d'un individu dans l'espace restreint d'une nouvelle, capturant l'essence même de l'existence humaine à travers une prose dense et évocatrice. C'est cet esprit que Menant cherche à préserver et à élargir dans sa mise en scène.
L'histoire se concentre sur Irène, une femme au foyer qui semble vivre le parfait amour avec Fritz, un célèbre avocat pénaliste. Mais derrière les apparences, insatisfaite de sa vie monotone et se sentant délaissée, elle entame une liaison avec un jeune pianiste nommé Édouard. Si cette aventure réveille en elle un sentiment de vitalité qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps, ce choix déclenche une série d'événements qui la plongent dans un état de peur et d'angoisse constante. Son existence se transforme alors en une torture psychologique continue.
Entre Hallucinations, Manipulations et Quête de Vérité
Cette pièce nous tient en haleine du début à la fin. Élodie Menant, dans son adaptation théâtrale, a non seulement créé de nombreux dialogues, rendant la trame dynamique, mais elle a également instauré une mise en scène cinématographique. Les pensées et les souvenirs d'Irène prennent vie sur scène et s'entremêlent, créant un dialogue intime entre le passé et le présent tout en exposant les tensions internes qui la tourmentent. Nous plongeons ainsi dans le maelström d'émotions d'Irène, au point de douter de sa santé mentale. Est-elle véritablement folle ? Sujette à des hallucinations ? Ou est-elle simplement la victime d'une sombre manipulation ?
Avec tous ces éléments, les rôles d’Irène et de Fritz deviennent de véritables joyaux théâtraux pour les acteurs, qui ont l'opportunité de déployer un éventail de performances extrêmement riche et varié. Lors de notre visite, Élodie Menant et Aliocha Itovich ont incarné ces personnages avec une maestria remarquable. Élodie Menant, dans le rôle d'Irène, étant particulièrement touchante, surtout dans les scènes de confrontation et de désespoir. Les décors roulants et évolutifs s'adaptent astucieusement à chaque scène, renforçant ainsi le suspense et l'immersion dans ce drame familial.
Une Lentille Psychologique Aiguë
Cette adaptation ne se contente pas de raconter une histoire de mariage en crise ; elle explore les thèmes universels de la culpabilité, de la trahison, de l'auto-déception et du choix. La décision d'Élodie Menant de situer l'action dans les années 50 confère une résonance particulière à l'œuvre, à l’aube d’une certaine libération de la femme. Avis de Foudart 🅵🅵🅵
"La Peur" se distingue non seulement par son intensité dramatique, mais aussi par sa capacité à transformer le texte original en un spectacle qui questionne profondément la nature humaine. Cette pièce est un exemple brillant de la façon dont le théâtre moderne peut redéfinir les classiques littéraires pour refléter les angoisses contemporaines, tout en offrant une expérience visuelle et émotionnelle profondément engageante. Elle réussit à nous maintenir en haleine jusqu'à un dénouement final surprenant, qui dépasse toutes les attentes et confirme le talent de Élodie Menant en tant que metteuse en scène, capable de faire dialoguer le passé littéraire avec le présent artistique.
LA PEUR
Librement adaptée de LA PEUR de Stefan Zweig par Élodie Menant
Mise en scène et adaptation Élodie Menant
Avec Hélène Degy en alternance avec Élodie Menant, Aliocha Itovich en alternance avec Arnaud Denissel, Ophélie Marsaud
Décor Olivier Defrocourt • Costumes Cécile Choumiloff • Lumières Olivier Drouot • Crédit photo @Olivier_Brajon
La Scala Paris
Du 4 avril au 10 mai 2024 • Du mardi au samedi à 19h Le dimanche à 15h • Durée 1h15
Kommentit