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Tchekhov à la folie : quand l’amour part en vrille


Des cris, des larmes, des portes qui claquent… et des fous rires ! Avec La Demande en mariage et L’Ours, Jean-Louis Benoît signe une mise en scène électrique de deux pépites comiques de Tchekhov. Une heure quinze de pur délire russe au Théâtre de Poche-Montparnasse.



Du rififi chez les prétendants


Oubliez les mots doux et les regards langoureux. Chez Tchekhov, l’amour commence toujours par une bonne engueulade. Dans La Demande en mariage, un prétendant émotif vient demander la main de sa voisine. Mais très vite, tout dérape : une querelle grotesque autour d’un lopin de terre met le feu aux poudres. Résultat ? Des cris, des malaises, des réconciliations express, et un mariage scellé au bord de l’apoplexie.


Dans L’Ours, un créancier furieux fait irruption chez une veuve inconsolable pour réclamer son dû. Ce qui devait être une confrontation devient un duel verbal féroce, puis une explosion de désir. Un revirement aussi absurde que savoureux.



Une mise en scène qui fait tout péter


Jean-Louis Benoît fait monter la pression dès la première réplique. Dans un décor unique à double usage — cuisine rustique d’un côté, salon plus feutré de l’autre — tout s’agite, claque, dégringole. On se hurle dessus, on renverse les tables, on s’effondre… puis on repart de plus belle. Le texte traduit par André Markowicz et Françoise Morvan pulse comme un moteur de Formule 1 : ça fonce, ça crisse, ça exulte.


Benoît connaît la mécanique de la farce sur le bout des doigts. Et surtout, il la fait jouer au service de l’humanité des personnages, jamais réduits à de simples pantins. Car derrière l’excès, il y a toujours un cœur qui bat (et parfois s’emballe).



Trois acteurs en état de grâce comique


Dans ce joyeux carnage, Emeline Bayart est une reine. Dans les deux rôles féminins, elle explose littéralement : tantôt jeune fille à marier à la colère volcanique, tantôt veuve indomptable au verbe haut, elle passe du chagrin au coup de foudre avec un sens de l’excès jubilatoire. Un vrai feu d’artifice de jeu.


À ses côtés, Jean-Paul Farré est irrésistible en « ours » misogyne au cœur tendre et en père dépassé par la fureur de sa fille. Quant à Luc Tremblais, il campe un prétendant hypocondriaque d’une drôlerie irrésistible, puis un serviteur aussi fidèle qu’ahuri.



Du Tchekhov comme on l’aime : drôle, absurde, profondément humain


Ces deux farces en un acte sont bien plus que des « plaisanteries » : elles concentrent tout l’art tchékhovien du décalage, où le rire naît du tragique et l’absurde révèle l’essence même de nos contradictions. On rit, et beaucoup. Mais derrière les éclats de voix et les crises de nerfs, Tchekhov glisse une lucidité bouleversante sur l’absurdité des rapports humains, la solitude camouflée en colère, et les petites lâchetés du quotidien. Si ses personnages nous font rire, c’est parce qu’ils nous ressemblent. Ils sont maladroits, excessifs, désarmés - profondément humains.


Ce diptyque est un concentré d’intelligence théâtrale, un miroir déformant mais saisissant de vérité. Un spectacle qui donne envie de rire de soi - et d’aimer plus fort.


Un moment de théâtre irrésistible, généreux, et furieusement vivant. À ne pas manquer. Avis de Foudart 🅵🅵🅵



Infos pratiques


Tchekhov à la folie – La Demande en mariage et L’Ours

D’Anton Tchekhov, traduction André Markowicz & Françoise Morvan

Mise en scène : Jean-Louis Benoît

Avec : Emeline Bayart, Jean-Paul Farré, Luc Tremblais

Scénographie : Jean Haas • Costumes : Krystel Hamonic

Crédit photo Sébastien Toubon


Théâtre de Poche-Montparnasse

À partir du 13 mai 2025 • Du mardi au samedi à 21h, dimanche à 17h • Durée : 1h15





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