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Ubu Président : Quand le grotesque de Jarry percute la folie de notre époque


Il fut un temps où Ubu voulait devenir roi. Aujourd’hui, il rêve d’être président. À l’heure où le réel dépasse parfois la fiction dans l’absurde, Ubu Président – comédie musicale satirique signée Mohamed Kacimi d’après Ubu Roi, mise en scène par Isabelle Starkier – résonne avec une drôlerie aussi vertigineuse qu’inquiétante. Présentée au Festival Off d’Avignon 2025, cette variation chantée, foutraque et mordante fait grincer des dents… en musique.



D’Ubu Roi à Ubu Président : un glissement (trop ?) naturel


Créé en 1896 par Alfred Jarry, Ubu Roi jetait les bases d’un théâtre grotesque, libre, explosif. Père Ubu, tyran infantile et vorace, massacre, taxe, trahit dans une quête de pouvoir absurde et sans limite. Un siècle plus tard, Kacimi n’a presque rien à forcer : un plateau télé, un micro, un zeste de chômage… et voilà Ubu et sa femme catapultés dans une course présidentielle qui fait froid dans le dos.


Dans une cuisine vide, deux losers fauchés rêvent de grandeur. Une journaliste de « Niouze » les filme, la machine médiatique s’emballe. Et nous voilà embarqués dans une ascension politique aussi grotesque que glaçante. Ça vous rappelle quelque chose ?



Une satire qui tape là où ça fait (encore) rire


Kacimi ne se contente pas d’actualiser Jarry : il invente un langage ubuesque d’aujourd’hui, tisse des dialogues affûtés – parfois un peu faciles, mais toujours percutants. Pouvoir, médias, pulsion de domination : tout passe à la moulinette du grotesque.


Oui, certaines évidences sont martelées : le pouvoir rend fou, la télévision abrutit, le peuple est manipulable. Mais l’ensemble garde une belle énergie comique, portée par un rythme soutenu et quelques trouvailles musicales réjouissantes.



Une comédie musicale grinçante et déjantée


Cinq comédiens-chanteurs-musiciens sur scène : c’est l’orchestre endiablé de cette farce politique qui se danse autant qu’elle se hurle. La partition d’Alain Territo puise dans tous les styles : tango déglingué, hymnes absurdes, chœurs satiriques. Le chant devient ici arme de propagande, cri d’angoisse ou éclat de rage.


La mise en scène d’Isabelle Starkier, fidèle à son goût pour les formes hybrides, bricole un théâtre pauvre en apparence mais riche en métaphores : décors carton-pâte, costumes kitsch, effets de distanciation revendiqués. On pense à Brecht, à Alfredo Arias, au cabaret politique des années 70… mais aussi aux formats viraux d’aujourd’hui.



Le grotesque comme miroir du réel


C’est là que le spectacle frappe juste – et dérange. Ubu Président ne cherche pas une analyse fine du présent, mais en révèle le délire. Un grand cri collectif, entre carnaval et cauchemar. Et parfois, entre deux rires, une gêne s’invite.


Peut-être est-ce là sa plus grande réussite : nous laisser penser que le grotesque ne vient pas de la scène… mais de ce qui l’entoure.


🎟 À recommander à celles et ceux qui rient jaune.


Avis de Foudart 🅵🅵



INFOS PRATIQUES


Ubu Président

Texte : Mohamed Kacimi, d’après Ubu Roi d’Alfred Jarry

Musique : Alain Territo

Mise en scène : Isabelle Starkier

Avec : Stéphane Barrière, Michelle Brûlé, Stéphane Miquel, Clara Starkier, Virgile Vaugelade

Costumes : Aurore Popineau • Décor : Jean-Pierre Benzekri • Chef de chant : Cathy Missika • Lumières : Jean Grison • Crédit photo : Elie Benzekri 



Festival Off Avignon 2025

Théâtre du Balcon • Du 5 au 26 juillet – à 18h30. Relâches les jeudis 10, 17 et 24 juillet • Durée : 1h20



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