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Photo du rédacteurBonfils Frédéric

Un vivant qui passe

Ce texte est la transcription exacte de l’entretien qu’eût Claude Lanzmann avec Maurice Rossel en 1979, pendant le tournage de Shoah.

Ce dernier, citoyen helvète délégué à Berlin du Comité international de la Croix-Rouge pendant la guerre, se rendit à Auschwitz dès 1943 puis inspecta, avec le plein accord des autorités allemandes, le « ghetto modèle » de Theresienstadt en juin 1944, sans avoir conscience du piège qui lui était tendu. Il se laissa abuser entièrement par la mise en scène qu’avaient organisé les nazis. Il ne vit pas l’horreur au-delà de la « parodie ».


Avis de Foudart 🅵🅵🅵🅵 C’est au sons d’une locomotive et devant l’immense rideau de fer du théâtre Antoine que commence cette lecture.

Une lecture de Sami Frey dite tout simplement derrière une petite table, presque sans bouger.

Une merveille de sobriété !

Avec une sobriété implacable et une grande douceur, Sami Frey nous invite, en toute intimité, à une lecture absolument bouleversante et nécessaire.

Pourquoi et comment se laissa-t-il aveugler, sans rien déceler de la combinaison inouïe de violence et de mensonge qui culminait à Theresienstadt ?

Sans jamais stigmatiser Maurice Rossel, cet interview exceptionnel, par ses incohérences, met en évidence toute l’horreur d’un système, d’une époque.

Maintenant octogénaire, je ne me souviens plus très bien de l’homme que j’étais alors. Je me crois plus sage ou plus fou, et c’est la même chose. Soyez charitable, ne me rendez pas trop ridicule. Maurice Rossel

30 représentations exceptionnelles et absolument immanquables de Sami Frey

Un vivant qui passe est un spectacle essentiel à la transmission de la mémoire. Un témoignage effrayant dit tout en délicatesse.


 

UN VIVANT QUI PASSE CLAUDE LANZMANN

Claude Lanzmann. Éditions Gallimard

Lecture de SAMI FREY

Lumières Franck Thévenon

Photo© Hélène Bamberger


THÉÂTRE DE L’ATELIER

1 place Charles Dullin 75018 Paris


À PARTIR DU 14 SEPTEMBRE

30 REPRÉSENTATIONS EXCEPTIONNELLES

DU MARDI AU SAMEDI À 19H DIMANCHE À 11H



 

EN SAVOIR PLUS

AVANT-PROPOS À L’ÉDITION DU TEXTE ÉCRIT PAR CLAUDE LANZMANN


J’ai réalisé Un vivant qui passe à partir d’un entretien que Maurice Rossel m’avait accordé en 1979, alors que je tournais Shoah. Pour des raisons de longueur et d’architecture, j’avais renoncé à traiter frontalement dans mon film le sujet extraordinaire de Theresienstadt, à la fois central et latéral dans le déroulement et la genèse de la destruction des Juifs d’Europe. On sait que Theresienstadt, ville forteresse située à soixante kilomètres au nord-est de Prague, avait été élue par les nazis pour être le site de ce que Adolf Eichmann lui-même appelait un « ghetto modèle », un ghetto pour la montre. Vidée de ses habitants tchèques, elle accueillit, de novembre 1941 à avril 1945, les Juifs du Grand Reich (Autriche, protectorat de Bohême- Moravie, Allemagne), ceux qu’on appelait les « Prominenten », intégrés depuis longtemps à la société allemande, qui n’avaient pas réussi à émigrer ou qui, trop vieux pour recommencer leur vie, avaient renoncé à le faire, voulant se croire protégés par leur statut même (anciens combattants décorés de la Première Guerre mondiale, grands médecins, grands avocats, hauts fonctionnaires et hommes politiques de l’Allemagne pré-hitlérienne, représentants des organisations juives, artistes, intellectuels, etc.) et à qui il était difficile de faire subir immédiatement le « traitement spécial » administré aux Juifs de Pologne, des pays Baltes et d’Union soviétique. Arrivèrent aussi à Theresienstadt en 1943 et 1944 un petit nombre de Juifs du Danemark qui n’étaient pas parvenus à s’échapper vers la Suède, de Hollande, du Luxembourg, de Slovaquie, de Hongrie, de Pologne et même de France.

La vérité est que ce « ghetto modèle » était un lieu de transit, première ou dernière étape, comme on voudra, d’un voyage vers la mort qui a conduit la plupart de ceux qui y ont séjourné vers les chambres à gaz d’Auschwitz, de Sobibor, de Belzec ou de Treblinka, quelquefois après un détour par les ghettos de Pologne, de Biélorussie ou de la Baltique qui, eux, n’étaient pas « modèles ». On dispose de statistiques très précises sur le nombre de trains et l’identité des victimes. Les conditions réelles d’existence à Theresienstadt étaient effroyables : la majorité des Juifs, hommes et femmes concentrés là-bas, étaient très âgés et croupissaient de misère, de promiscuité et de malnutrition dans le surpeuplement des casernes de la forteresse. A Theresienstadt comme ailleurs, les nazis trompaient et volaient ceux qu’ils se préparaient à tuer : c’est ainsi que la Gestapo de Francfort proposait à des vieilles femmes crédules de cette ville, avant leur déportation pour Theresienstadt, le choix entre un appartement ensoleillé et un autre exposé au nord, les contraignant à payer d’avance le loyer de logements fantômes. Les juifs ne furent pas les seuls à être trompés : ghetto « pour la montre » ou encore ghetto « Potemkine » (la légende veut que le prince Grigori Aleksandrovitch Potemkine ait fait construire des villages factices le long de la route que devait emprunter Catherine II, impératrice de Russie, à l’occasion d’une visite en Ukraine et en Crimée, territoires nouvellement annexés), Theresiensadt devait être montré et le fut.

A la tête d’une délégation du CICR (Comité International de la Croix-Rouge), Maurice Rossel inspecta le ghetto en juin 1944, avec l’assentiment des autorités allemandes.

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