Alexeï et Yulia - L’amour au bord du gouffre
- Bonfils Frédéric
- il y a 2 jours
- 2 min de lecture
Festival Off Avignon 2025 – Théâtre des Halles – Chapelle Sainte-Claire
Un couple. Une nuit. Un choix qui peut tout faire basculer.
Et si aimer était un acte de résistance ?
Dans Alexeï et Yulia, Sabrina Kouroughli et Gaëtan Vassart imaginent, à partir de faits réels, la dernière nuit d’Alexeï Navalny et de son épouse Yulia, juste avant leur retour — et sa chute — en Russie. Huis clos fiévreux, brûlant, la pièce redonne chair à ce que le pouvoir a tenté d’effacer : une parole intime, politique, radicalement humaine.
Un dialogue interdit rendu au monde
Le point de départ est vertigineux : un texte que Navalny aurait écrit depuis sa cellule, confisqué par les autorités. Un souvenir de son dernier échange avec Yulia.
C’est cette absence que les auteurs choisissent d’habiter. Sur scène : deux voix, deux corps, deux feux. Un couple debout face à la peur, aux doutes, à l’histoire qui cogne à la porte.
Lui veut rentrer à Moscou. Elle tente de l’en dissuader. Fuir pour survivre ou rester pour lutter ? Une question universelle posée avec une justesse poignante, dans une langue sans emphase, mais chargée d’urgence. Un cri plein de tendresse.
Une partition à deux voix, intensément habitée
Gaëtan Vassart et Sabrina Kouroughli incarnent leurs personnages avec une sobriété bouleversante. Pas de pathos, pas d’héroïsme plaqué — juste la tension nue d’un choix. L’intime comme terrain de lutte.
Leur complicité scénique saisit par sa vérité : elle fait exister le couple au-delà du politique, dans les regards, les silences, les gestes qui vacillent et les mots qui blessent autant qu’ils protègent.
La mise en scène, épurée et poétique, évoque une mémoire suspendue. Sol rouge comme le sang, la passion, la Russie. Une guitare, une couverture, une couronne de fleurs : objets simples, chargés de résonances.
La musique — Vissotski, Lou Reed, Anohni — hante l’espace comme un souffle fragile, libre, indomptable.
Un cri d’amour et de lucidité
Alexeï et Yulia ne sanctifie pas Navalny. Il le rend humain. Plus encore : il révèle la puissance politique d’un lien amoureux.
Yulia n’est pas un faire-valoir. Elle est une combattante. Une voix. Le spectacle lui rend hommage sans emphase, dans la justesse d’un amour qui doute, vacille, mais ne rompt jamais.
Dans un monde saturé de mensonges, ce spectacle rappelle que l’amour peut être un dernier refuge — ou une première ligne de front.
Qu’il faut parfois choisir entre vivre et résister.
Et qu’aucune dictature ne pourra jamais confisquer ce qui se dit, à voix basse, dans une chambre, entre deux êtres qui s’aiment.
Pourquoi il faut y aller
Parce que c’est un théâtre qui regarde le réel en face.
Un théâtre du présent, lucide, vibrant.
Parce que dans la chaleur d’Avignon, cette heure de scène vous glacera — et vous réveillera.
Et parce qu’il est urgent, plus que jamais, d’écouter celles et ceux que le silence menace. Avis de Foudart 🅵🅵🅵
Infos pratiques
Alexeï et Yulia
Texte, mise en scène et jeu : Sabrina Kouroughli & Gaëtan Vassart
Conseil dramaturgique Marion Stoufflet
Lumières Erik Priano
Son Christophe Séchet
Festival Off Avignon
Théâtre des Halles – Chapelle Sainte-Claire • Du 5 au 26 juillet à 14h (relâche les mercredis 9, 16, 23) • Durée 1h • Dès 14 ans

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