Le Funambule – Genet au fil du vertige
- Bonfils Frédéric

- 18 sept.
- 3 min de lecture
🅵🅵🅵 FOUD’ART – Un rituel brûlant de désir et de poésie
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Genet, l’écrivain du fil tendu
Écrit en 1955 par Jean Genet pour le jeune acrobate Abdallah Bentaga, Le Funambule est bien plus qu’un simple poème en prose : c’est une déclaration d’amour et une méditation poético-érotique sur l’acte de création. Genet y fait du fil de l’acrobate une métaphore de la vie de l’artiste : chaque pas est un risque, chaque geste une affirmation de soi au bord du vide. Amour, désir, solitude, mort : tout y est lié, inséparable, en tension permanente.
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Pierre Constant, l’homme de piste et de scène
Sur scène, Pierre Constant livre ce texte avec une intensité rare. Son passé d’homme de piste confère une légitimité unique à son interprétation : il sait, de l’intérieur, ce que signifie « tenir » sur un fil, et il transmet ce vertige au spectateur par la force des mots. Chaque inflexion de sa voix, chaque souffle semble risqué, engagé, viscéral.
Le choix de jouer ce texte à nu, accompagné seulement des lumières de Jacques Rouveyrollis et du violon de Federico Sanz, renforce cette impression de rituel fragile. Pas d’artifice, mais un dépouillement qui laisse jaillir la brûlure du texte.
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Un poème charnel, vécu dans la chair
Le Funambule est un texte fragmenté, parfois ardu, mais Constant parvient à le rendre fluide, presque organique. Sa diction ne cherche pas à lisser les aspérités : elle les embrasse, les rend palpables. Le désir et l’amour pour ce funambule y apparaissent sans détour, dans une intensité charnelle qui confine au mystique.
L’érotisme discret mais incandescent de Genet trouve une chair nouvelle dans le corps et la voix du comédien. On sent qu’il ne « joue » pas seulement le texte : il le vit, il le questionne, il dialogue avec Genet, comme un acteur qui parle au poète disparu.
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Entre vertige et accessibilité
On pourrait craindre que la densité poétique du texte enferme le spectateur dans l’abstraction. Mais Constant réussit le pari de la rendre accessible, intelligible, sans en trahir la radicalité. Le violon, fragile et aérien, ajoute une respiration, une suspension bienvenue mais bien trop courte à cette déferlante verbale.
Certes, certains fragments peuvent sembler redondants ou trop abstraits, et l’ensemble exige une écoute attentive. Mais l’émotion surgit précisément de cette tension : du déséquilibre, du danger, du risque assumé.
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Résonances d’aujourd’hui
Que nous dit Le Funambule en 2025 ? Qu’être artiste, c’est marcher chaque jour sur un fil invisible, au-dessus du vide, avec le risque de tomber. C’est s’exposer, aimer, brûler, au prix d’une solitude radicale. Mais c’est aussi, peut-être, donner aux spectateurs le courage de regarder leurs propres fils, leurs propres vertiges.
Pierre Constant nous rappelle que l’art est toujours une affaire de vie ou de mort – et qu’il n’existe qu’à travers ce danger.
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FOUD’ART 🅵🅵🅵 – Un spectacle rare, brûlant d’intensité, où la poésie de Genet prend corps dans l’expérience et la voix d’un homme de piste. Pierre Constant livre un rituel fragile et puissant, à la fois hommage et incarnation. Une traversée vertigineuse, exigeante mais essentielle.
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Infos pratiques
LE FUNAMBULE
Texte Jean Genet
Mise en scène & interprétation Pierre Constant
Avec la participation amicale de Federico Sanz (violon) • Lumière Jacques Rouveyrollis
Théâtre de Poche Montparnasse • 3 dates exceptionnelles les 15, 17 et 18 septembre 2025 • Reprise les 7 et 8 novembre 2025 à 21h • Durée 1h15












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