Même si le monde meurt : quand la fin devient un commencement
- Bonfils Frédéric
- 27 mars
- 4 min de lecture
Et si la fin du monde était annoncée ? Vraiment. Scientifiquement. Inéluctablement.
C’est le point de départ vertigineux de Même si le monde meurt, spectacle mis en scène par Laëtitia Guédon, sur un texte original commandé à Laurent Gaudé, pour les jeunes interprètes de l’AtelierCité du ThéâtredelaCité à Toulouse.
Une fable dystopique, sensorielle, puissamment symbolique, qui interroge notre humanité quand tout semble perdu.
17 août, 17h58. C’est la fin
Les scientifiques sont formels : la planète va s’éteindre. L’humanité n’a plus que quelques heures à vivre.
Alors : on fait quoi ?
On panique ? On tue ? On aime une dernière fois ? On enfante coûte que coûte, pour transmettre quelque chose, même fugace ?
Chacun réagit comme il peut. Et c’est exactement ce que raconte Même si le monde meurt.
Sur scène, huit personnages – anonymes, archétypaux, presque mythiques – vacillent face à l’annonce.
Certains se laissent consumer par leurs pulsions, d’autres tentent de créer, d’aimer, de donner un sens à ce qu’il reste.
Ce n’est pas un spectacle sur la catastrophe, mais sur l’humain face à la fin, sur ce qu’on choisit quand plus rien n’est sûr.
Une mise en scène hypnotique, entre mythe et apocalypse
Même si le monde meurt, c’est un théâtre de la tension, du souffle suspendu, du compte à rebours invisible mais présent dans chaque mot, chaque geste.
Laëtitia Guédon orchestre cette traversée avec une mise en scène millimétrée, presque rituelle, où le corps, la lumière, le son et la vidéo dialoguent en permanence.
Sur scène : des îlots métalliques, des copeaux de bois, des bols d’eau ou de feu, et surtout un grand cercle lumineux en fond, qui pulse comme un œil, une planète, une matrice. Il est là, tout le temps. Il regarde. Il respire.
La scénographie (signée Amélie Vignals), soutenue par les lumières de Philippe Ferreira, le son de Joan Cambon et les vidéos oniriques de Benoît Lahoz, crée un espace à part, un monde parallèle où le temps est distordu, où la parole devient incantation.
Des figures, des voix, des vies qui brûlent
Les personnages ne portent pas de nom. Ils sont “le pressé de vivre”, “la femme enceinte”, “le médecin”, “l’homme quitté”… Des figures plus que des identités.
Ils ne se parlent presque jamais. Chacun, chacune évolue dans sa bulle, sur son estrade, face à son propre vertige.
Parfois, leurs voix se croisent. Parfois, leurs regards. Mais c’est rare. Et c’est aussi ce qui rend leur solitude si tangible.
Et pourtant, ils forment un chœur, à la manière d’une tragédie antique. Un chœur éclaté, contemporain, désynchronisé, mais habité par le même battement : celui de l’urgence. Celui de la fin.
Ils sont portés par huit jeunes comédien·nes de l’AtelierCité (Matthieu Carle, Marine Déchelette, Mathieu Fernandez, Élise Friha, Marine Guez, Alice Jalleau, Thomas Ribière, Julien Salignon), qui donnent tout.
Des corps tendus, des voix fragiles ou puissantes, une implication totale.
Un spectacle qui ne donne pas de réponse, mais ouvre des brèches
Ce n’est pas une pièce facile. Ce n’est pas une pièce confortable non plus.
Le texte de Laurent Gaudé est dense, parfois chargé, souvent poétique. Il y a des moments sublimes. D’autres qui s’égarent.
Mais on sent toujours la nécessité d’écrire. De dire. D’incarner.
La fin du monde annoncée… n’aura finalement pas lieu. Et c’est là que le spectacle bascule.
Alors, comment vivre après ?
Après avoir dit adieu, pleuré, crié, hurlé d’amour ou de rage… peut-on vraiment reprendre comme si de rien n’était ?
La question reste en suspens. Comme tout le reste.
En sortant, le silence
Ce qui frappe, ce n’est pas seulement ce qu’on voit ou ce qu’on entend, c’est ce qu’on ressent.
La lenteur. Les gestes ritualisés. Le souffle coupé. Le silence.
Et cette phrase, à la toute fin, prononcée par le pressé de vivre :
« Le silence est là. Les étoiles savent que nous ne sommes rien. Et elles sourient pour faire briller l’obscurité. »
Alors, même si le monde meurt… peut-être reste-t-il encore quelque chose à sauver.
Même si le monde meurt ne cherche pas à tout expliquer.
Il ne rassure pas. Il ne moralise pas.
Il observe. Il propose. Il nous laisse seuls avec ce vertige : et si c’était vraiment la fin ? Et si, au contraire, c’était un début ?
Oui, il y a des longueurs.
Oui, parfois le symbolisme prend un peu trop de place.
Oui, on aimerait plus d’interactions, plus de liens entre ces solitudes flottantes.
Mais ce qu’on gagne en retour, c’est une expérience scénique rare.
Un théâtre qui n’a pas peur d’être lent, ni étrange, ni fragile.
Un théâtre qui célèbre la vie au bord du gouffre.
Alors non, Même si le monde meurt n’est pas un spectacle parfait.
Mais c’est un spectacle vivant, vibrant, sincère, qui ose se poser une question vertigineuse :
Qu’est-ce qu’on fait, ici, maintenant, ensemble ?
Avis de Foud’art 🅵🅵🅵
Un spectacle comme une veillée. Inégal, mais beau.
À voir, surtout si vous aimez quand le théâtre vous laisse avec des questions.
MÊME SI LE MONDE MEURT
Texte Laurent Gaudé
Conception et mise en scène Laëtitia Guédon
Avec Matthieu Carle, Marine Déchelette, Mathieu Fernandez, Élise Friha, Marine Guez, Alice Jalleau, Ribière, Julien Salignon
Scénographie Amélie Vignals
Lumières Philippe Ferreira
Musique, son Joan Cambon
Vidéo Benoît Lahoz
Photo ©Christophe Raynaud de Lage
Théâtre de la Tempête
Du 6 mars au 6 avril 2025 • Du mardi au samedi 20h. Dimanche 16h • Durée 1h10

I appreciate the ambition and poetic scope of the show, but I wonder if the lack of direct interaction between characters might hinder emotional resonance for some viewers. Take control of a speedy cube in Geometry Dash Lite, dodging spikes and portals in a wild, addictive race to the finish line.