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4.48 Psychose. Sarah Kane

Dernière mise à jour : 10 mars 2021

Indispensable! Ma première pièce de la journée fut un choc. J’ai eu la chance de voir un très beau spectacle et de passer plus d’une heure avec son interprète, Cécile Fleury, à qui j’ai pu poser plein de questions.

La pièce. Un ovni, une fulgurance, une performance. Cécile Fleury et Yves Penay sont sincèrement culottés. Ils ont choisi une pièce compliquée, aussi bien par son sujet que par son interprétation. Ce n’est nullement consensuel et pourtant indispensable. On aborde ici à l’un des plus grands des tabous de ces dernières années. La confession abrupte, sombre et touchante d’une femme malade de dépression. Car c’est bien une maladie. On le dit, mais on n'y croit pas tant que cela en vérité. Et quand cette maladie nous tombe dessus. En plus de la souffrance effroyable et personnelle que l’on peut ressentir. C’est un véritable tsunami qui s’abat sur toute une famille, un entourage. La dépression dérange. Bouscule, blesse et l'on oublie surtout qu’elle tue.


Les mots sont toujours convenus.

Bouge-toi. Remue-toi. Qu’est-ce que j’ai pu faire pour que te mettes dans un état pareil ?

Il y a des gens qui sont bien plus malades que toi et j’en passe.

On a tous entendu ce type de phrase ou même avoir eu envie de le dire, soi-même, à un ou une ami(e), à son conjoint. Son enfant.


La personne dépressive a besoin de tout sauf d'entendre ce type de phrase. Même le monde médical est dérangé par cette pathologie et se cache très souvent derrière des molécules indispensables certainement mais multiples.


Voilà le sujet de cette pièce. Cela ne donne pas envie…non ? Et pourtant c'est essentiel. Indispensable. Crucial. Urgent. Vital d’aborder l’un de nos plus grands tabous. Sans filtre. Simplement. Justement. C’est le pari réussi de Cécile Fleury, comédienne hors norme et courageuse.


Elle a un talent fou. Elle vit véritablement sa pièce comme une confession brute, efficace, corporelle. J’ai adoré cette mise en scène efficace. Les déplacements dans l’espace de son corps. L’utilisation des accessoires qui posent la rage.


On a beaucoup parlé ensemble de tout cela. Elle m'a dit qu’elle avait depuis bien longtemps, auprès d’elle, ce livre magnifique de Sarah Kane. Qu'elle avait beaucoup hésité à monter ce projet, qu’elle avait beaucoup réfléchi aux tonalités verbales et à l’utilisation de son corps.


Un des premiers symptômes forts de la dépression est la déconnexion de l’esprit et du corps. Comme si celui-ci n’avait plus de valeur, d’importance au point de lui infliger des souffrances terribles ou même de le faire disparaître.

Pourtant, le corps existe et parle de lui-même. On ne peut rien y faire.


J’ai pensé pendant toute la pièce que Cécile Fleury avait un passé de danseuse tant son jeu etait corporel, viscéral mais pas du tout et c’est encore plus impressionnant. La souffrance intérieure du personnage est posée ici avec beaucoup de justesse et une immense élégance elle ose tout.

Les mots crus. Le mal-être brut.


Le passage sur l’énonciation des médicaments est un moment magnifique qu’elle m’a dit avoir eu beaucoup de mal à aborder.


La seule remarque que je lui ai faite était que j’aurais juste aimé un peu plus de nuance dans l’expression verbale. Les cris, les larmes, peuvent être là, bien sûr, dans ce type de pathologie, mais ce qui marque le plus lorsque l'on approche de la dépression et le ton monocorde et résolue des malades qui peuvent parler de leur mal-être atroce avec beaucoup de douceur et de simplicité.


C'est La seule chose qui m’a dérangé dans cette magnifique interprétation et elle m’a dit justement que c’était encore un sujet de réflexion avec son metteur en scène.


Elle m'a dit aussi qu’elle n'avait pas eu envie de tomber dans une forme de pathos et c’est en effet le cas. La violence est là. Bien sûr, mais l’on se surprend à sourire par moments.


La fin inéluctable annoncée dès le titre n’est pas, à mon point de la vue le sujet principal de cette pièce et elle a fini notre discussion en me disant, très justement, que si en interprétant cette œuvré, ce bijou, elle pouvait aider juste une seule personne que ce soit personnellement ou dans son entourage, son pari serait réussi.


Je suis parfaitement d’accord sur ce point.


Il ne faut pas avoir peur du sujet de cette pièce. Il faut absolument affronter ses propres tabous et venir entendre ce texte magnifique qui nous aide à bien mieux comprendre la complexité de vivre.


Parce que la vie et la belle, bien entendu, mais peut être si dure aussi.


Encore un de mes grands Coups de coeur de cette saison.


Sincèrement bravo et merci infiniment pour le temps que vous m'avez accordé




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