Et si la science et l'art ne faisaient qu'un ?
Début du XXème siècle : un énigmatique personnage se terre dans un village de Pologne. Guérisseur célèbre, il n’a jamais su d’où lui venait son don. S’adressant tour à tour au médecin qui le cherche, et aux deux femmes de sa vie, il nous fait revivre la fréquentation du mystère, et l’écartèlement entre science et religion. Soudain, du flux des souvenirs émerge cette rencontre cruciale avec le jeune homme qui se rêvait disciple pour, lui aussi, sauver des vies. Mais un talent peut-il se partager ? Que peut-on transmettre de soi-même ? Qu’est-ce que soigner ? Un art ? Une science ?
Avec De la matière dont les rêves son faits, Élisabeth Bouchaud, entre artiste et scientifique, nous propose de disséquer la notion du « soin ». Une discussion à la fois poétique et philosophique sur l'art de soigner et la place de l'empathie.
Pour soigner, le personnage de ma pièce ne fait plus qu’un avec ses malades, dont il comprend profondément le mal : « Moi, les gens qui allaient crever, ça me donnait envie de les prendre dans mes bras, de leur donner de la chaleur, de leur donner mon corps et ma vie, si vous voulez tout savoir. Je me fichais de leur odeur, de leur sang, de leur couleur de presque cadavres. Ce n’est pas ça qui compte, justement. Ce qui compte : un, je faisais un avec eux. » Élisabeth Bouchaud.
Le paradoxe du guérisseur.
Le texte, en faisant le lien entre l'art et la science, parle également des difficultés émotionnelles engendrées par le don, l’inspiration en posant des questions obsédantes au personnage. Des questions essentielles, existentielles que pourraient se poser aussi un artiste, ou un scientifique, dont la créativité repose en grande partie sur l’intuition.
Quel poète, quel savant n’ont pas tremblé à l’idée de les perdre ? Ça me rassurait, et ça m’effrayait en même temps... Parce que j’y tenais, à ce don qui m’était pour ainsi dire arrivé comme une révélation ». Il en va ainsi de ce personnage énigmatique, qui longtemps s’est pris tour à tour pour Dieu et pour la lie de l’humanité, avant de retrouver, enfin, sa juste place, à ses propres yeux et parmi ses semblables.
La scénographie, très belle, tout en ombre et lumière permet à Grigori Manoukov de partager avec nous toutes les subtilités de ce texte difficile. Un texte écrit comme un long poème enivrant et exaltant. Un voyage intime et bouleversant dans la pensée et les doutes d'un homme qui cherche sa route, son chemin. Avis Foudart 🅵🅵🅵
ШAMAH - (CHAMAN)
De la matière dont les rêves sont faits
Texte Élisabeth Bouchaud
Mise en scène Élisabeth Bouchaud et Grigori Manoukov
Avec Grigori Manoukov
Photo Élisabeth Bouchaud
FESTIVAL OFF AVIGNON
Théâtre AVIGNON - Reine Blanche
Du 7 au 25 juillet - Relâches : 12, 19 juillet à 18h05 (1h20) - à partir de 12 ans
Comments