Jeanne d’Arc rentre à la maison
Créé et interprété par Monica Guerritore en Italie en 2004, Jeanne d’Arc a été joué plus de 450 fois devant près de 300 000 spectateurs en Italie, à Londres et à New-York, jusqu’en 2019.
« Je suis heureuse que Jeanne rentre enfin à la maison, c’est une expérience très émouvante. J’ai été conquise par Jeanne qui a eu le pouvoir de changer le cours de l’Histoire parce qu’elle a écouté sa voix intérieure. Cette même voix intérieure que la vie m’a appris à écouter, depuis mes débuts avec Strehler, quand un ange m’a conduite au Piccolo Teatro ».
Au XVème siècle, il y avait un grand projet politique mené par les intellectuels, les professeurs universitaires, les évêques et les hommes de pouvoir. Et soudain, une jeune fille, une bergère se met en travers du chemin. Elle risque de faire échouer le projet. De plus, elle dit parler au nom de Dieu. Et cela est inacceptable. Cette jeune fille est un obstacle. Il faut l’éliminer. Et c’est ce qui s’est passé.. MONICA GUERRITORE
Après de multiples adaptations théâtrales et cinématographiques, Monica GUERRITORE reprend l’histoire de Jeanne d’Arc et nous donne sa vision de cette femme, à la fois si connue et décriée.
Mythe ou réalité
On peut se poser naturellement la question, mais là n’est pas le sujet. Car, à travers le récit de Jeanne d’Arc, c’est surtout au nom de toutes les femmes que la pièce parle. Et c’est aussi sur ce point précis que Jeanne d’Arc, ce seul en scène est très réussi.
Jeanne prend de la hauteur et nous attrape au vol dans ses bras puissants.
À l’aide d’une scénographie, absolument magnifique, assez rock et remplie de références contemporaines, Séverine COJANNOT illumine littéralement la scène du théâtre de la Contrescarpe et nous ébloui par sa force et sa nature de comédienne.
Histoire d’un challenge ahurissant
À cause de la crise sanitaire, qui n’en finit plus, après avoir été déprogrammée une première fois, les répétitions de Jeanne d’Arc ont repris, à Paris, mais sans sa metteuse en scène, bloquée en Italie. C’est donc à distance et avec la collaboration artistique de Bénédicte BAILBY et Jeanne SIGNÉ, que la pièce a été finalisée. Dans cette atmosphère particulière, Séverine COJANNOT nous livre sa prestation sublime. Tout en puissance, élégance, douceur et émotions.
Étonnement et émerveillement
ce spectacle nous réserve bien des surprises. Loin d’être sinistre, comme on pourrait s’y attendre, c’est surtout l’éblouissement qui nous envahit et Jeanne devient vivante grâce aux actes de son procès et aux mots de Monica.
Les très belles musiques résonnent et se mêlent aux images de Dreyer et de Martin Luther King.
Jeanne d’Arc (et son interprète, Séverine COJANNOT) fait partie de mes grands coups de cœur de la saison.
Un très beau spectacle
Une immense pièce. Une pièce qui pourrait déstabiliser par ses choix artistiques, mais qui restera une prouesse d’interprétation et un grand moment de théâtre.
En portant ces textes au public, ces paroles, on se rapproche de ces hommes et de ces femmes qui ont su “regarder les étoiles”. Avis de Foudart 🅵🅵🅵🅵
JEANNE d’ARC
Texte et mise en scène Monica GUERRITORE
Avec Séverine COJANNOT
Collaboration artistique Bénédicte BAILBY & Jeanne SIGNÉ
Photos Fabienne RAPPENEAU
Spectacle vu au THÉÂTRE DE LA CONTRESCARPE
FESTIVAL OFF AVIGNON
Théâtre Au Petit chien, le chien qui fume
Du 7 au 30 juillet à 15h45 • Relâche les lundis
Durée 1h10
INTERVIEW DE SÉVERINE COJANNOT
J’ai été ravi de rencontrer Séverine Cojannot qui fait une interprétation formidable de Jeanne D’Arc, actuellement au Théâtre de la Contrescarpe.
C'est un spectacle qui a été joué des centaines de fois, en Italie. Est-ce que vous pouvez me parler un peu de cette aventure ?
Oui bien sûr ! Monica Guerritore, qui est une grande artiste italienne, l'a en effet créée, d'abord en plein air, avec des projections contre une église, dans un festival en Italie. Ça a eu beaucoup de succès et elle a tourné pendant des années dans toute l'Italie et même à l'étranger.
Jeanne d'Arc et l'Italie ?
Je pense que Jeanne d'Arc est un modèle qui dépasse vraiment la France. Je pense que c'est une figure connue dans toute l'Europe et peut-être même aux États-Unis. Cette histoire très singulière et forte est assez universelle, elle parle à tous.
C'est le retour de Jeanne d'Arc en France, finalement.
Exactement. C'est exactement ce que souhaitait la metteuse en scène. Elle s'est dit que ça serait bien. (Rire)
« Jeanne rentre à la maison maintenant. » Et j'ai eu la chance d'être choisie, par elle, pour incarner ce magnifique personnage.
Comment la rencontre s'est-elle faîte ?
C’était un peu magique, vraiment. Elle est venue à Paris et elle est allée voir Marie Tudor au Lucernaire, il y a des années. Je jouais le rôle de la reine. Elle m'a vue, m’a contactée sur les réseaux sociaux. Finalement, je suis allée la voir à Rome, dans la dernière exploitation de ce spectacle et j'ai aimé la beauté de ce spectacle, sa démesure et la force de sa dramaturgie, de son engagement.
Vous n'avez vraiment pas eu de chance car, quand vous deviez commencer à jouer, ça a été le début des longs confinements que nous avons vécus et, je crois que vous n'avez pas pu véritablement répéter avec votre metteuse en scène.
En Italie, il y avait déjà cette pandémie et elle est venue masqués. C'était très curieux comme rencontre. Elle n’a pu rester que quelques jours et voulait revenir, bien sûr, pour l'achèvement de la création et la mise en place lumière, mais ce n'était plus possible, il y avait déjà une interdiction, une fermeture des frontières.
Elle n'a jamais vu le spectacle terminé, à Paris ? C'est fou, ça.
Elle a vu les filages, mais elle n’a pas vu le spectacle en public.
Le 1er avril, on devait commencer, mais il ne se passait plus rien nulle part. Donc, on a attendu patiemment pendant des mois et, finalement, la première a eu lieu le 1er octobre.
Ce spectacle, ce personnage, a été déjà interprété des dizaines de fois. Quelle est votre opinion, vis à vis de Jeanne d'Arc ? Comment avez-vous abordé ce rôle ?
C'est quelqu'un qui a écouté son intuition, qui a écouté sa voix et qui a été droit au but. j'ai essayé de comprendre ce qu'elle a pu ressentir avec cet appel et cette foi immense qui l'ont guidée dans toute son action, dans tous ses choix. j'ai vraiment essayé de faire un travail de simplicité, d'humilité et d'y aller, c'est tout.
J'ai l'impression qu'à travers ce spectacle, on parle aussi de toutes les femmes.
Oui, complètement. C'est très important. C’est un spectacle sur Jeanne d'Arc, sur la foi, mais aussi sur la volonté féminine de réussir à transcender sa vie. C'est une fille qui n'est pas restée à sa place, qui a pris une armure, qui a fait la guerre avec conviction et qui a réussi à entraîner avec elle, toute une armée.
Est-ce un spectacle féministe ?
Non. Je ne pense pas. Ce n’est pas un spectacle politique au sens des Néo-féministes. C’est un spectacle qui parle d’une femme. elle a eu un courage dingue de prendre une place qui n’était pas la sienne, au départque la société ne lui donnait pas.
Et elle l'a payé cher, quand même.
Oui. Le prix de sa vie. Exactement.
Jeanne d'Arc, un mythe, une réalité ? Quel est votre point de vue, par rapport à ça ? Est-ce que c'est vraiment important, finalement ?
Le fait qu'elle existe historiquement est incontestable ! Après, il y a toute une mythologie, il y a eu plein de légendes à son sujet, mais ce n’est pas l'essentiel en effet. L'essentiel, je trouve, c'est ce qu'elle raconte et son action.
J'ai beaucoup aimé votre interprétation, votre incarnation. Quand on s'est vu, tout à l'heure, vous êtes arrivée avec des cheveux longs, magnifiques et, dans la pièce, vous avez une perruque. Je pensais que c'était vraiment votre coupe de cheveux.
Mais oui (Rire). Même mon papa m'a dit ça. Il a vu les photos et m'a dit « Tu t'es fait couper les cheveux ? » Eh bien, non. Non, non. Mais effectivement, c'est un personnage très vivant. Il y a une jeunesse en elle, une jeunesse qu'on peut avoir à tout âge. Une jeunesse profonde qui a un cœur battant. J'ai un peu cette fougue et ça me parle beaucoup.
Ce spectacle est très beau visuellement. La scénographie est vraiment exceptionnelle.
C'est vrai, je trouve aussi, oui. C'est Monica qui l'a conçue. C'est très simple, symétrique. Il y a juste le bûcher, ce poteau qui figure, bien sur, son supplice, sa fin. Ça me fait toujours penser à la Croix du Christ. il y a une très grande simplicité dans cette scénographie et, ça permet, avec les vidéos, d’avoir un champ de jeu exceptionnel.
Les vidéos donnent un côté assez cinéma et la musique est aussi étonnante.
Oui, il y a beaucoup de contrepoints. C'est très audacieux, rock par moments avec The Queens ou Tom Waits. C'est une manière de faire le lien entre le 15ème et le 21ème siècle.
Vous êtes au Théâtre de la Contrescarpe, en ce moment.
Oui depuis le 6 juin. Le dimanche à 16H30 et le vendredi à 19H.
Merci beaucoup
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