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Tirés de plusieurs sources, les textes de Sorcière, recueillis dans son œuvre et liés les uns aux autres, forment comme une histoire de la vie de Marguerite Duras. Le fil conducteur en est cette appréhension directe du monde, cet instinct de vie et de mort propre depuis toujours à toutes les femmes.
Sorcière sous-titrée « Les femmes vivent » est, au départ, une revue littéraire, artistique et féministe, créée par Xavière Gauthier, en 1975, disparut en 1982. Marguerite Duras y publia plusieurs textes, qu’elle reprit ensuite dans son recueil Outside. Les autres extraits qui composent ce spectacle sont issus de plusieurs ouvrages de Duras.
Sorcière est, à la fois, l’union de trois artistes aussi prolifiques que créatifs, mais aussi, un brillant hommage aux femmes,
à Marguerite Duras et Michel Legrand. Marguerite Duras au style si pur en forme de confession littéraire, Michel Legrand, cet artiste, compositeur de génie à la sensibilité si douce, tendre et féminine. Macha Méril, une comédienne d'ombre et de lumières qui dit aussi bien les mots qu'elles les écrits.
Le premier atout de cette pièce est d’avoir su choisir plus d'une dizaine de textes (parfois très rares) de Marguerite DURAS qui, au final, s’accorde parfaitement pour n’en faire qu’un. Une nouvelle histoire, sur le thème de la vie et de la mort, du désir, de la solitude, de la peur et du défi.
La deuxième idée merveilleuse est d’avoir ponctué ce livret avec la musique de Michel Legrand. Un motif musical dans cette trame littéraire, qui devient partition, les mots finissant par agir comme un chant.
Le fil conducteur de Sorcière est cette appréhension directe du monde qu’ont et qu’ont toujours eue les femmes, à tous les âges et à toutes les époques. À travers les évènements de sa propre vie, Marguerite Duras bâtit un chemin original et vibrant, qui la relie aux extra-lucides et aux poètes. Les femmes comme miroir et comme révélateur. Les femmes dans la joie et dans la souffrance, pas toujours là où on les attend. Une parole de vérité et de franchise que seule Marguerite Duras a su transmettre avec une telle force… Macha Méril
Macha Méril illumine la scène et jongle avec les émotions. Parfois mutine, parfois dramatique (où l’on prend toute la mesure de son talent), mais toujours d’une délicatesse rare.
Stephan Druet a composé, brillamment, avec tous ces éléments pour construire un écrin idéal. Le son, la musique et la voix. Tout s'accorde à merveille.
La scène de théâtre éclairée par François Loiseau se transforme en un lieu sobre et pur où l’élégance côtoie la lumière et, quand tout à coup, la voix si particulière si douce et amblématique de Marguerite Duras retentit, on ne peut que s’arrêter de respirer un instant, ébloui par temps de beauté poétique.
« Cette femme SAIT » disait Lacan. Plus encore, elle est celle qui VOIT, telle une chamane. Sentinelle de l’invisible. Clarté dans la nuit du monde. Pour lire et jouer ces textes de Marguerite Duras, Macha Méril, magnifique, seule pour dire, comme une autre Winnie, celle de Oh ! Les beaux jours, les mots toujours recommencés d’une vie aux prises avec elle-même ».
Alain Vircondelet, auteur, biographe de Marguerite Duras
Sorcière est un seul en scène, au charme fou, vibrant, élégant et plein de poésie.
SORCIÈRE
Textes de Marguerite DURAS
Mise en scène Stéphan DRUET
Musiques Michel LEGRAND
Avec Macha MÉRIL
Lumières, François Loiseau
THÉÂTRE DE POCHE MONTPARNASSE 30 REPRÉSENTATIONS EXCEPTIONNELLES
DU 15 SEPTEMBRE AU 18 OCTOBRE 2020
Représentations du mardi au samedi 19h, dimanche 15h
POUR EN SAVOIR PLUS...
Textes de Marguerite Duras composant Sorcière
Baxter,Vera Baxter (film)
Les Parleuses, Marguerite Duras et Xavière Gauthier (Editions de Minuit) Les lieux de Marguerite Duras (Entretiens avec Michelle Porte, Editions de Minuit)
Outside (POL)
Écrire (Folio Gallimard)
Le monde extérieur (POL)
La vie matérielle (POL)
Revue L’Archibras (2 Octobre 1967)
Détruire dit-elle (Editions de Minuit)
Bande sonore INA (Duras et la fin d’un monde)
Extrait
C’était il y a mille ans, par ici, dans ces forêts au bord de l’Atlantique... Il y avait des femmes... la mer. Nuit. Au-dessus, sauvage, la mer compacte de forêts plongées dans la nuit. La mer et la forêt. Encre noire d’une nuit millénaire.
Leurs maris étaient loin, presque toujours à la guerre du Seigneur, et elles restaient parfois pendant des mois dans leurs cabanes, seules, au milieu de la forêt, à les attendre. Et c’est comme ça qu’elles ont commencé à parler aux arbres, à la mer, aux animaux de la forêt... On les a brûlées...
Extrait de Baxter,Vera Baxter
L’avenir est féminin. Je dis ça un peu tristement parce que j’aimerais bien qu’il soit de deux genres, mais je crois qu’il est féminin. Les hommes sont malades de cette mala- die-là, la virilité, la virilité encore et encore.
J’aime les hommes, je n’aime que ça.
Extrait de Le Monde extérieur
Écrire : tenter de traduire l’intraduisible. De rendre lisible l’illisible. Etre à l’écoute de l’ombre interne : la lymphe nourrissante ou empoisonnée mais qui échappe à toute analyse. Là se situent les archives de soi.
C’est une donnée commune. Si on ne le sait pas, c’est qu’on la refuse en tant que donnée commune, qu’on la contourne. Contournée, l’ombre interne se mure et meurt dans le cercueil du moi.
Extrait de L’Archibras
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