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SWAN LAKE – Le mythe renversé de Matthew Bourne

🅵🅵🅵 FOUD’ART – Un choc visuel et dramaturgique… qui divise sur le fond



Trente ans après sa création, Swan Lake version Matthew Bourne revient à Paris avec sa meute de cygnes masculins et sa lecture sombre des désirs inassouvis. Puissant, audacieux, impeccablement produit, le spectacle électrise La Seine Musicale. Mais en déplaçant l’axe narratif vers le Prince et sa mère, Bourne réécrit le conte au risque d’en éroder l’essence romantique. Un événement majeur… et un débat ouvert.



Un mythe retourné comme un gant


Ici, pas d’Odette en tutu ni de sortilège littéral. Bourne théâtralise Tchaïkovski : scénographie monumentale, humour de situation, sens du cadre quasi cinématographique. Lez Brotherston signe des décors et costumes d’une lisibilité exemplaire : lit démesuré, palais étouffant, boîte de nuit clinquante, asile blafard - chaque tableau raconte autant que la danse.


Le Prince au centre : désir, norme, vertige


Le cœur dramaturgique est le Prince, écrasé par le protocole et une Reine de glace. Sa rencontre avec le Cygne - figure mâle, sauvage et magnétique - déverrouille le désir et la possibilité d’être soi. Le pas de deux fondateur est magnifiquement conduit : portés francs, respirations tendues, rapport de forces mouvant.

La relation mère/fils est d’une justesse cruelle : quasi œdipienne, jamais appuyée. Et tout au long du ballet, Bourne varie les styles - du classique au contemporain en passant par le modern jazz - sans jamais céder au collage gratuit : un langage hybride cohérent, reflet du trouble intérieur du Prince.


La meute des cygnes : beauté brute


Le corps de ballet masculin est la grande idée de Bourne. Ancré, fauve, rageur, il conjugue virilité et délicatesse. La fameuse scène du lac est un uppercut : lignes nettes, frappes au sol, élans groupés qui sculptent l’espace, entre rage et pureté.



Ce qui emporte


Ce Swan Lake hypnotise d’abord par son énergie visuelle et musicale. Chaque tableau respire la tension dramatique, la pulsation du corps et du son. La partition de Tchaïkovski, magnifiée par l’orchestration, se marie à une gestuelle précise et viscérale : un flux continu qui serre la gorge et happe le regard.


On est également frappé par la clarté de la mise en scène. Bourne raconte sans paroles, mais tout se comprend. Chaque décor, chaque transition, chaque mouvement exprime l’enfermement, la quête et la chute du Prince. Cette lisibilité, rare dans la danse contemporaine, donne au spectacle une force théâtrale irrésistible.


Et puis, il y a la meute. Ce corps de ballet masculin, désormais mythique, impose sa présence comme un manifeste. Sauvage, sensuel, indompté, il incarne la puissance brute et la fragilité mêlées. À lui seul, il fait du spectacle une icône pop, un emblème de liberté et de métamorphose.



Ce qui interroge


Mais sous la perfection du geste et l’éclat de la forme, l’essence du conte se délite peu à peu. En recentrant tout sur le Prince, Bourne transforme le mythe romantique en drame intérieur. La dialectique Odette/Odile - cœur battant du Lac original - devient ici pure métaphore, jusqu’à parfois s’effacer. On admire l’intelligence de la réécriture, mais on regrette parfois la perte de mystère.


Le personnage de la “petite amie imposée”, lui, peine à trouver sa place. Figure de comédie sociale, presque caricaturale, elle détourne momentanément le regard sans jamais nourrir la tragédie. Une silhouette plus décorative que dramatique.


Enfin, l’acte du bal, sommet attendu, laisse un sentiment d’inachèvement. La surenchère visuelle et la tension érotique séduisent, mais l’émotion s’y disperse. Le Cygne noir - ou plutôt l’Étranger - fascine sans réellement bouleverser. La scène brille, mais n’émeut pas toujours.



🅵🅵🅵 FOUD’ART Immanquable pour l’œil et la scène, discuté sur le fond.

Bourne révolutionne l’iconographie du Lac et signe un très grand théâtre dansé. Si l’on accepte que le romantisme s’y dissolve dans un drame psychologique contemporain, l’expérience est saisissante. Si l’on cherche le frisson du mythe originel, on peut rester à distance.

Reste un spectacle majeur, qui continue de faire parler - et c’est aussi à cela qu’on reconnaît les classiques.



Infos pratiques


Swan Lake – The Next Generation

Direction artistique & chorégraphie Matthew Bourne

Musique Piotr Ilitch Tchaïkovski

Scénographie • décors • costumes Lez Brotherston • Lumière Paule Constable

Crédit Photo Johan Persson


La Seine Musicale

Du 9 au 26 octobre 2025 • Du mardi samedi à 20h. Samedi et dimanche à 15h • Durée : 2h30 (avec entracte)


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