ZOOM : Portrait d’une mère en clair-obscur
- Bonfils Frédéric

- 6 juil.
- 3 min de lecture
Festival Off Avignon 2025
Une femme. Un fils. Un rêve plus grand que la vie.
Et si, derrière les enfants dits “difficiles”, il y avait des mères invisibles ? Des femmes cabossées, qui se débattent, qui rêvent, qui s’épuisent à transmettre ce qu’elles n’ont jamais reçu ?
Dans Zoom, la nouvelle création de la compagnie Paradoxe(s), Pamela Ravassard donne corps à l’une de ces figures silencieuses et bouleversantes : la mère du Burt.
Un seule-en-scène haletant, à la croisée d’une confession intime et d’un fantasme hollywoodien, où s’entrechoquent les projecteurs de cinéma, les éclats de rire et les silences fêlés.
Une réunion parents-profs comme clap de début
Fin septembre, salle de classe anonyme. Les chaises sont rangées, le professeur principal est en retard. Et soudain, elle se lève. Celle qu’on n’attendait plus, celle dont on aurait préféré oublier l’existence : la mère du Burt.
Très vite, la pièce bascule. On quitte le huis clos scolaire pour une traversée à la fois comique et poignante, entre Sochaux et Sartrouville, entre les plateaux de tournage et les bureaux de Pôle Emploi.
Elle parle pour son fils. Pour elle. Elle se raconte comme on se confesse. Et peu à peu, c’est son propre film qu’elle projette sous nos yeux.
Zoom sur une femme, pas sur un enfant
Si le titre intrigue, ce n’est pas Burt le véritable sujet de la pièce. Le “zoom”, c’est sur elle qu’il s’opère.
Elle, la mère sans filtre, au rire extravagant, énergique, drôle, à la fois pathétique et magnifique.
À coups d’anecdotes, de souvenirs, de dérapages épiques, elle déconstruit l’illusion de la réussite, interroge le sacrifice maternel et met en lumière les déterminismes sociaux qui enferment dès l’enfance.
Le texte de Gilles Granouillet, ciselé comme une lame tendre, explore avec finesse cette ambivalence : vouloir le meilleur pour son enfant… au risque de l’étouffer.
Une mise en scène cinématographique et sensible
Pamela Ravassard - qui interprète aussi le rôle - construit un univers scénique à la frontière du théâtre, du cinéma et du rêve.
Un plateau nu, traversé de vitres, d’ampoules, de projecteurs. Une lumière qui se module comme un travelling. Un son qui frôle la science-fiction.
Tout ici évoque l’art du montage, du flashback, du grand angle émotionnel.
Les clins d’œil au septième art sont omniprésents : musiques de John Williams, Nino Rota, jingles de grands studios…
Mais loin d’être un gadget, cette esthétique hollywoodienne devient le langage de la mère : son refuge, son filtre, son mirage.
À défaut d’avoir pu offrir une vraie vie, elle aura offert un scénario.
Une régie d’orfèvre pour une partition millimétrée
Impossible de parler de Zoom sans saluer le travail technique d’orfèvre qui accompagne la comédienne.
La régie lumière et son, en parfaite symbiose, sculpte un écrin d’émotions mouvantes.
Les effets spéciaux, la musique live (portée par le violoncelliste Nathan Minière), les jeux de reflets et d’ombres offrent une profondeur quasi cinématographique à ce théâtre de l’intime.
Entre burlesque et tragédie, un vertige salutaire
Zoom est un récit de résilience et de transmission, dans la lignée des précédents spectacles de la compagnie (65 Miles, Courgette).
Un portrait de femme seule contre le monde, qui fait sourire avant de poignarder doucement.
Une odyssée intérieure où l’on vacille, comme elle, entre ce qu’on rêve pour ses enfants et ce que la vie impose.
Et s’il ne restait que l’amour — nu, maladroit, immense ? C’est peut-être cela, le vrai gros plan.
Avis de Foudart 🅵🅵🅵
Infos pratiques
ZOOM
Texte Gilles Granouillet
Mise en scène et interprétation Pamela Ravassard
Nathan Minière (violoncelle), Cyril Manetta (lumière), Frédéric Minière (son), Hanna Sjödin (scénographie et costumes), Johan Nus (chorégraphie), Stéphane Corbin (coach vocal)
Crédit photo Alexandro Guerrero
Festival Off Avignon 2025
Théâtre du Girasole • Du 4 au 26 juillet • Relâche les 8, 15, 22 juillet• 10h00 • À partir de 12 ans • Durée 1h20











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