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  • Jérusalem - Quand l’intime se fait Histoire

    🅵🅵 FOUD’ART - Un voyage théâtral entre mémoire et réconciliation ⸻ Une maison comme champ de bataille symbolique Shahid doit quitter sa maison de Jérusalem. Le tribunal a tranché : les clés reviennent à Delphine Lachance, jeune femme juive canadienne venue de Montréal, unique propriétaire reconnue. Tout pourrait s’arrêter là, dans un affrontement juridique sec et brutal. Mais Ismaël Saidi choisit d’ouvrir une brèche : en ce jour d’éclipse solaire, l’âme des ancêtres refait surface et propulse Shahid et Delphine dans un vertige temporel. Le conflit intime - un héritage contesté, une maison disputée - devient alors la métaphore d’un conflit plus vaste : celui de la mémoire, des exils forcés, de l’appartenance et de la douleur transmise. À travers le prisme de cette demeure, c’est l’Histoire entière qui résonne : du ghetto de Varsovie à la Nakba, de la Shoah aux guerres israélo-arabes. ⸻ Quand les ancêtres parlent à travers nous La trouvaille dramaturgique d’Ismaël Saidi - faire ressurgir les ancêtres dans le corps des vivants - surprend d’abord par son audace. Le procédé pourrait paraître artificiel, mais il fonctionne : l’alternance entre présent et passé, entre voix contemporaines et fantômes, permet de relier les douleurs de deux peuples, sans simplification outrancière. La mise en scène reste volontairement sobre. Quelques lumières (signées Sébastien Roman) et un travail sonore précis (Alexandre Barthelemy) suffisent à créer les passages entre les époques. Pas de grands effets visuels, mais une intensité dramatique qui repose sur le jeu des comédiens et l’imaginaire du spectateur. ⸻ Un duo d’acteurs possédés Sur scène, Ismaël Saidi et Fiona Lévy incarnent avec puissance cette galerie de personnages, oscillant entre les contemporains et les figures ancestrales. Leur capacité à basculer d’un état à l’autre - d’un jeune couple d’aujourd’hui à des survivants de la Shoah ou à des exilés palestiniens - impressionne. La comédienne, notamment, livre une performance habitée : ses transitions, parfois abruptes, donnent une impression de possession qui bouleverse. Le spectateur assiste à une véritable métamorphose, où la douleur des aïeux envahit les corps vivants. ⸻ Entre didactisme et souffle poétique La pièce a parfois ses lourdeurs. Le canevas narratif, fondé sur l’alternance entre présent et passé, peut devenir répétitif. La voix de Delphine semble parfois prendre le pas sur celle de Shahid, déséquilibrant légèrement l’ensemble. L’accumulation de drames historiques finit aussi par peser, malgré quelques respirations d’humour ou de tendresse qui viennent alléger le récit. Mais c’est précisément ce mélange de tragique et de moments plus légers qui permet à Jérusalem de toucher juste. On n’est pas dans une leçon d’histoire, encore moins dans une simplification manichéenne : Saidi invite à écouter, à ressentir, à se laisser traverser par la mémoire. ⸻ Résonances et nécessité Écrite en 2022, avant l’aggravation récente du conflit israélo-palestinien, la pièce n’en prend que plus de force aujourd’hui. Elle ne cherche pas à proposer des solutions politiques, mais à rappeler l’essentiel : derrière les frontières, il y a des destins brisés, des héritages douloureux, des mémoires qu’il faut entendre. En mêlant intime et universel, Jérusalem interroge notre rapport à l’histoire, à la transmission et à la réconciliation. Oui, parfois le propos se fait un peu trop didactique. Mais l’humanité et l’émotion l’emportent, et l’on sort du théâtre avec la conviction que l’intelligence du cœur reste la seule voie possible. ⸻ FOUD’ART 🅵🅵 – Un spectacle nécessaire, porté par deux comédiens habités, qui réussit à faire dialoguer mémoire et présent. Parfois un peu redondant, mais profondément touchant et d’utilité publique. ⸻ Infos pratiques JÉRUSALEM Texte et mise en scène Ismaël Saidi Avec Inès Weill-Rochant (ou Fiona Lévy en alternance) et Ismaël Saidi Lumières Sébastien Roman Son Alexandre Barthelemy Theatre des Mathurins • Du 17 septembre au 31 décembre 2025 • Tous les mercredis et jeudis à 19h • Durée 1h10

  • Le Funambule – Genet au fil du vertige

    🅵🅵🅵 FOUD’ART – Un rituel brûlant de désir et de poésie ⸻ Genet, l’écrivain du fil tendu Écrit en 1955 par Jean Genet pour le jeune acrobate Abdallah Bentaga, Le Funambule est bien plus qu’un simple poème en prose : c’est une déclaration d’amour et une méditation poético-érotique sur l’acte de création. Genet y fait du fil de l’acrobate une métaphore de la vie de l’artiste : chaque pas est un risque, chaque geste une affirmation de soi au bord du vide. Amour, désir, solitude, mort : tout y est lié, inséparable, en tension permanente. ⸻ Pierre Constant, l’homme de piste et de scène Sur scène, Pierre Constant livre ce texte avec une intensité rare. Son passé d’homme de piste confère une légitimité unique à son interprétation : il sait, de l’intérieur, ce que signifie « tenir » sur un fil, et il transmet ce vertige au spectateur par la force des mots. Chaque inflexion de sa voix, chaque souffle semble risqué, engagé, viscéral. Le choix de jouer ce texte à nu, accompagné seulement des lumières de Jacques Rouveyrollis et du violon de Federico Sanz, renforce cette impression de rituel fragile. Pas d’artifice, mais un dépouillement qui laisse jaillir la brûlure du texte. ⸻ Un poème charnel, vécu dans la chair Le Funambule est un texte fragmenté, parfois ardu, mais Constant parvient à le rendre fluide, presque organique. Sa diction ne cherche pas à lisser les aspérités : elle les embrasse, les rend palpables. Le désir et l’amour pour ce funambule y apparaissent sans détour, dans une intensité charnelle qui confine au mystique. L’érotisme discret mais incandescent de Genet trouve une chair nouvelle dans le corps et la voix du comédien. On sent qu’il ne « joue » pas seulement le texte : il le vit, il le questionne, il dialogue avec Genet, comme un acteur qui parle au poète disparu. ⸻ Entre vertige et accessibilité On pourrait craindre que la densité poétique du texte enferme le spectateur dans l’abstraction. Mais Constant réussit le pari de la rendre accessible, intelligible, sans en trahir la radicalité. Le violon, fragile et aérien, ajoute une respiration, une suspension bienvenue mais bien trop courte à cette déferlante verbale. Certes, certains fragments peuvent sembler redondants ou trop abstraits, et l’ensemble exige une écoute attentive. Mais l’émotion surgit précisément de cette tension : du déséquilibre, du danger, du risque assumé. ⸻ Résonances d’aujourd’hui Que nous dit Le Funambule en 2025 ? Qu’être artiste, c’est marcher chaque jour sur un fil invisible, au-dessus du vide, avec le risque de tomber. C’est s’exposer, aimer, brûler, au prix d’une solitude radicale. Mais c’est aussi, peut-être, donner aux spectateurs le courage de regarder leurs propres fils, leurs propres vertiges. Pierre Constant nous rappelle que l’art est toujours une affaire de vie ou de mort – et qu’il n’existe qu’à travers ce danger. ⸻ FOUD’ART 🅵🅵🅵 – Un spectacle rare, brûlant d’intensité, où la poésie de Genet prend corps dans l’expérience et la voix d’un homme de piste. Pierre Constant livre un rituel fragile et puissant, à la fois hommage et incarnation. Une traversée vertigineuse, exigeante mais essentielle. ⸻ Infos pratiques LE FUNAMBULE Texte Jean Genet Mise en scène & interprétation Pierre Constant Avec la participation amicale de Federico Sanz (violon) • Lumière Jacques Rouveyrollis Théâtre de Poche Montparnasse • 3 dates exceptionnelles les 15, 17 et 18 septembre 2025 • Reprise les 7 et 8 novembre 2025 à 21h • Durée 1h15

  • Vaslav - Olivier Normand

    🅵🅵🅵🅵 FOUD’ART - Quand la tendresse se travestit ⸻ Un cabaret hors du commun Au Théâtre du Rond-Point, Olivier Normand se métamorphose en Vaslav de Folleterre , son avatar travesti. Habitué des scènes de danse contemporaine et des collaborations avec de grands noms (Mathilde Monnier, Alain Buffard, Dominique Brun…), il a trouvé dans le cabaret Madame Arthur un terrain d’expérimentation jubilatoire. Avec Vaslav , il livre un solo hybride, à mi-chemin entre récital, performance et confidence. ⸻ Un voyage musical et intime Sur un décor saturé de paillettes, Normand déjoue les codes, dynamite le quatrième mur et nous invite à une traversée unique. Muni de sa shruti box , instrument indien minimaliste qu’il manie comme une boîte à musique vivante, il devient tour à tour marin ou sirène, guide malicieux ou poète fragile. Les chansons s’enchaînent dans une fluidité déroutante : Monteverdi croise Damia, Jane Birkin se frotte à Nirvana, Caetano Veloso dialogue avec Bob Marley, Brigitte Fontaine surgit dans le désordre magnifique. Chaque morceau est ponctué d’anecdotes croustillantes ou de confidences sensibles, toujours finement amenées. ⸻ Une voix envoûtante, un charme singulier Ce qui bouleverse, c’est la voix d’Olivier Normand : d’une douceur caressante à une profondeur envoûtante, elle se fait tour à tour mélodieuse, mélancolique, réaliste ou rock. On passe d’une fragilité à la Jane Birkin à l’énergie brute d’un Nirvana. Tout devient possible dans cet écrin suspendu, au détour d’un rond-point parisien. Le spectacle séduit par ses paradoxes : frivole et intelligent, drôle et érudit, festif et délicat. Normand cultive un art rare : celui de faire du cabaret un espace de pensée, un manifeste travesti où l’émotion s’habille de paillettes. ⸻ Pourquoi c’est un coup de foudre FOUD’ART Parce que Vaslav prouve que le travestissement n’est pas un masque mais une révélation. Parce qu’il ose mêler chanson populaire, littérature et confidence intime. Parce qu’on sort ébloui, touché et suspendu à cette tendresse inouïe. ⸻ Infos pratiques Vaslav Conception et interprétation : Olivier Normand Son Pablo Da Silva • Lumières et collaboration artistique Vincent Brunol • Regard dramaturgique Anne Lenglet • Robe Hanna Sjödin Crédit photo Cécile Dessailly, Félix Glutton Théâtre du Rond-Point Du 16 septembre au 4 octobre 2025 • Mardi au vendredi, 20h. Samedi, 19h • Durée 1h

  • Rose Royal – Le bar, la balle et le battement du cœur

    Spectacle vu au Festival Avignon Off 2025 – Théâtre des Halles Un flingue dans le sac, un amour qui vacille, une femme qui tient bon. Dans Rose Royal , adapté de la nouvelle noire de Nicolas Mathieu, Anne Charrier livre un seul-en-scène coup-de-poing d’une rare justesse, mise en scène avec sobriété par Romane Bohringer . Un thriller intime et social, suspendu entre la solitude endurcie et le frisson d’un amour qui ne ferait pas mal. Et si, pour une fois, la peur changeait de camp ? Une femme, une arme, une faille Rose a cinquante ans. Elle travaille dans un cabinet comptable, picole au Royal avec sa copine Marie-Jeanne, collectionne les déceptions amoureuses et traîne dans son sac un revolver acheté sur Internet. Non par goût du drame, mais par instinct de survie. Rose est de celles qui ont trop vu, trop encaissé. Et quand Luc surgit un soir dans le bar, chemise tachée de sang, chienne mourante dans les bras, quelque chose s’ouvre. Le cœur, peut-être. À partir de ce frémissement, Nicolas Mathieu tisse un récit sec, tendu, sans fioritures, que Anne Charrier s’approprie avec une intensité sidérante. Son adaptation, coécrite avec Gabor Rassov , épouse la voix de Rose dans toutes ses nuances : bravade, humour, tendresse, solitude. Une parole incarnée, habitée, tranchante. Un polar du réel Rose Royal , ce n’est pas un polar avec flingues et gros bras. C’est un thriller du quotidien , où le danger ne hurle pas mais rampe en silence , comme ces hommes qui, à force de silences pesants, finissent par vous enfermer. C’est l’histoire d’un dernier amour, d’une dernière chance… et de cette lucidité qui coupe l’élan. La mécanique est implacable, mais jamais démonstrative. C’est dans le banal que l’effroi surgit. Dans le trop connu. Ce texte court, écrit après Leurs enfants après eux , prolonge le geste social de Nicolas Mathieu. Il éclaire les marges : les femmes invisibles , les “presque-oubliées”, celles qui tiennent debout mais vacillent parfois. Il parle du désamour comme d’un vide politique. De la tendresse comme d’un acte de résistance. Une présence qui fend la nuit Sur scène, Anne Charrier est lumineuse. Jamais dans le pathos, elle avance au fil des mots comme on marche sur des tessons. Sa pudeur nerveuse , sa précision sans clinquant , font de Rose une figure bouleversante. Drôle, parfois crue, toujours digne. Chaque geste, chaque inflexion de voix, est juste. La mise en scène de Romane Bohringer , discrète et complice, laisse respirer cette performance. Elle crée un écrin de silences, de lumières tamisées (signées Thibault Vincent ) et de gestes suspendus. La tension est là, mais jamais surlignée. L’émotion surgit à contretemps. Et quand Rose sort son calibre 38, ce n’est pas la peur qui explose, mais une lucidité tranchante. Rose Royal, c’est un cri que personne n’entend, mais qu’on ressent. Rose Royal , c’est le théâtre d’un cœur usé, d’un corps en alerte, d’un destin en sursis. Une femme qui a trop encaissé, et qui choisit de tenir bon, revolver au fond du sac, lucidité au bord des lèvres. Une Rose, royale jusque dans la douleur. Avis de Foudart 🅵🅵🅵🅵 Infos pratiques ROSE ROYAL Librement adapté de la nouvelle de Nicolas Mathieu Adaptation Anne Charrier & Gabor Rassov Mise en scène Romane Bohringer Avec Anne Charrier Lumières Thibault Vincent • costumes Céline Guignard-Rajot • scénographe Rozenn le Gloahec • musique Benoît Delacoudre • chorégraphie Gladys Gambie Crédit photo ©Christian Geisselman Studio des Champs-Élysées À partir du 12 septembre • Du jeudi au samedi à 21h et le dimanche à 16h • Durée : 1h15 • Dès 13 ans

  • Le village de l’allemand : quand la scène affronte la mémoire

    Le Village de l’Allemand ou le Journal des frères Schiller , roman puissant de Boualem Sansal, devient théâtre. Et c’est un choc. Une secousse d’une rare intensité. Mise en scène par Luca Franceschi, cette première adaptation dramatique réussit à transposer sur les planches le vertige d’un récit où s’entrechoquent la Shoah, la guerre civile algérienne et les dérives islamistes contemporaines. Une mémoire en éclats Au cœur de la pièce : deux frères, Rachel et Malrich Schiller. Deux héritiers d’un secret effroyable. Leur père, qu’ils croyaient moudjahid algérien, était en réalité un ancien officier SS réfugié en Algérie. Quand Rachel, l’aîné, découvre la vérité, il s’effondre. Il lit, il enquête, il voyage jusque dans les camps d’Auschwitz. Et il finit par se donner la mort. Malrich, plus jeune, découvre son journal et reprend le flambeau. À sa manière, plus brute, plus contemporaine. À travers lui, l’auteur et la pièce interrogent : sommes-nous comptables des crimes de nos parents ? Une mise en scène à la hauteur de l’abîme La scénographie est sobre, presque dépouillée. Quelques éléments mobiles, une lumière chirurgicale signée Samuel Bovet, des costumes minimalistes. Rien de trop : tout pour la parole. Comme des flashs, Le spectacle alterne scènes dialoguées et extraits de journaux lus à voix haute. Deux frères, deux voix, deux manières de porter le poids de l’Histoire. La troupe est remarquable. Valérian Moutawe et Nicolas Moisy incarnent les frères avec une justesse bouleversante. Autour d’eux, quatre comédiens endossent tous les autres rôles – figures parentales, témoins, figures de l’oppression – dans un ballet parfaitement rythmé. Le théâtre comme lieu de fracture et de réconciliation L’adaptation assume sa part politique. Le texte de Sansal, censuré en Algérie, brise les tabous : la Shoah, absente de l’histoire officielle algérienne ; les compromissions de l’après-guerre ; la montée de l’islamisme dans les banlieues françaises. Franceschi ne cherche pas à lisser : il montre, il confronte, il trouble. Et c’est précisément ce trouble qui fait théâtre. Un théâtre du doute, de l’héritage, du combat. Un théâtre qui refuse l’oubli, qui parle à la jeunesse et aux fantômes, et qui transforme la scène en acte de mémoire partagée . Une œuvre nécessaire Le Village de l’Allemand ne délivre pas de réponse toute faite. Il tend un miroir : que faisons-nous de ce que nous avons reçu ? Que transmettons-nous à notre tour ? Loin de tout didactisme, cette pièce déploie une parole rare : lucide, habitée, urgente. Dans le contexte actuel, où Boualem Sansal est lui-même emprisonné pour ses prises de position politiques, cette création résonne comme un cri. Un cri contre le silence. Un cri pour la justice. Un cri de théâtre. Infos pratiques Le Village de l’Allemand ou le Journal des frères Schiller D’après le roman de Boualem Sansal Sur une idée originale de Thierry Auzer Mise en scène Luca Franceschi Avec Samuel Camus, Louise Daly, Yann Ducruet, Nicolas Moisy, Valerian Moutawe, Alexandra Nicolaidis • Création lumière  Samuel Bovet • Son  Vincent Arnaud • Costumes et Décors Angélique Monbeig • Crédit photos Arnaud-Emmanuel Véron THÉÂTRE DES GEMEAUX PARISIENS Du  17.09.25 au 26.10.25 Mercredi au samedi ► 21h​. Dimanche ► 15h • Durée 1h25

  • Diptych : The Missing Door and The Lost Room – Peeping Tom

    🅵🅵🅵🅵 FOUD’ART – Quand le cauchemar devient danse ⸻ Peeping Tom, maîtres du vertige scénique La compagnie belge Peeping Tom repousse les frontières entre danse et théâtre, transformant la scène en un rêve éveillé. Avec Diptych : The Missing Door and The Lost Room , Gabriela Carrizo et Franck Chartier plongent le spectateur dans deux huis clos oppressants : un couloir aux portes obstinément fermées et une cabine de navire étrangement confinée. Dans ces espaces, la réalité se fissure et bascule vers l’onirique, là où désir et peur s’entrelacent. L’esthétique convoque immédiatement le cinéma de David Lynch : clair-obscur hypnotique, atmosphère de thriller psychologique, illusions hallucinées. Les décors, démontés et réassemblés sous nos yeux, se muent en véritables personnages de ce théâtre mouvant. ⸻ Corps en déséquilibre Ici, tout passe par le corps. Les interprètes se tordent, chutent, se manipulent et s’empoignent avec une virtuosité inouïe. La danse semble défier les lois de la gravité : contorsions déroutantes, portés insensés, déséquilibres permanents. Figures fragiles et puissantes, les danseurs apparaissent comme des pantins aux prises avec le chaos de leurs désirs. Un pas de deux incandescent , une scène de groupe burlesque , une chute sans fin : chaque instant surprend et désarme, maintenant le public dans un état de fascination vertigineuse. ⸻ Quand le chaos devient partition Le monde sonore imaginé par Raphaëlle Latini pulse de percussions et de dissonances, tandis que les lumières de Tom Visser sculptent l’espace dans un clair-obscur oppressant. Entre cauchemar visuel et poésie surréaliste, le spectateur perd ses repères : rêve, souvenir ou hallucination ? Le temps se distord, se suspend, se dédouble. ⸻ Entre fascination et malaise Ovationné à travers le monde, Diptych séduit par sa puissance visuelle et son univers hallucinatoire. Mais certains reprochent à Peeping Tom une esthétique parfois trop tournée vers le choc, qui risquerait d’éclipser la profondeur narrative. Ce paradoxe fait aussi sa singularité : une expérience radicale, à la fois troublante et hypnotique. ⸻ Un théâtre en mouvement , où la danse devient langage et le décor, partenaire de jeu. À la frontière du rêve et du cauchemar, Peeping Tom orchestre un chaos millimétré où tout vacille : équilibre et déséquilibre, frayeur et burlesque, sensualité et effroi. Un choc esthétique et émotionnel qui lance la saison sous le signe de l’audace. À voir absolument. 🅵🅵🅵🅵 ⸻ Infos pratiques Diptych : The Missing Door and The Lost Room – Peeping Tom Création et mise en scène : Gabriela Carrizo & Franck Chartier Avec : Konan Dayot, Fons Dhossche, Alba de Miguel, Panos Malactos ou Akira Yoshida (en alternance), Alejandro Moya, Fanny Sage, Lucia Burguete Sierra, Eliana Stragapede, Wan-Lun Yu Scénographie : Gabriela Carrizo & Justine Bougerol • Création sonore : Raphaëlle Latini et équipe • Création lumière : Tom Visser • Crédit photo © Virginia Rota Théâtre du Rond-Point 10 – 14 septembre 2025 • Mercredi au vendredi, 21h • Samedi, 20h • Dimanche, 15h • Durée : 1h10

  • Les Frottements du Cœur : Une Ode à la Vie et à la Résilience

    Parfois, la vie nous réserve des épreuves si intenses qu’elles semblent irréelles, presque absurdes. Katia Ghanty en a fait l’expérience à seulement 29 ans, lorsque ce qui semblait être une simple grippe s'est transformée en une lutte désespérée pour sa survie. Dans "Les Frottements du Cœur", elle nous entraîne dans son univers à travers une pièce de théâtre poignante, drôle et profondément humaine, tirée de son propre livre publié en 2017. L’histoire commence de manière banale, avec une grippe que le médecin minimise. Mais très vite, la situation s'aggrave : transportée d'urgence à l'hôpital, Katia se retrouve en réanimation, son cœur si affaibli qu'une machine de circulation extracorporelle est nécessaire pour la maintenir en vie. Ce moment marque le début d'une aventure humaine et médicale hors du commun, décrite avec une intensité bouleversante. La Puissance du Témoignage Personnel Ce qui frappe dès le début, c'est l'authenticité du récit de Katia. Elle ne se contente pas de décrire les faits cliniques, elle nous fait vivre chaque émotion, chaque peur, chaque moment d'espoir. Son témoignage est une plongée brute et sans filtre dans la réalité d'une jeune femme dont la vie bascule du jour au lendemain. Le texte n’épargne aucun détail sur la froideur de l’hôpital, l’isolement, et l’omniprésence de la mort, mais il est aussi traversé par des éclats de rire et des moments de grâce. Sur scène, Katia incarne tous les personnages : les soignants, les proches, et même elle-même, dans un seul-en-scène vibrant et énergique. Elle dépeint avec une justesse émouvante les multiples visages de la réanimation : l’aide-soignante trop bienveillante, le médecin détaché, la machine à laquelle elle est reliée comme à un cordon ombilical. Chaque geste, chaque parole, chaque silence est chargé de sens et d'émotion. L’Art de Transformer la Douleur en Beauté La mise en scène d'Éric Bu magnifie le texte de Katia avec une sobriété et une élégance qui touchent en plein cœur. L'utilisation de la musique live, interprétée par Caroline Geryl ou Agnès Imbault, ajoute une dimension supplémentaire à cette expérience sensorielle. Les sons des machines hospitalières, les mélodies qui évoquent la montagne et le brouillard, tout cela contribue à créer une atmosphère à la fois oppressante et poétique. Une Expérience Théâtrale Inoubliable "Les Frottements du Cœur" n'est pas seulement une pièce de théâtre, c'est une expérience immersive qui nous transporte dans l'intimité d'une survivante. Nous sommes invités à partager son voyage intérieur, à ressentir avec elle la peur, la douleur, mais aussi l'espoir et l'amour. Katia Ghanty réussit à transformer une expérience traumatisante en un récit épique, drôle et profondément humain. Elle nous montre qu'il est possible de survivre à l'impensable, de trouver la force de continuer malgré la douleur et l’incertitude. Elle nous rappelle que la dignité humaine ne réside pas seulement dans le courage stoïque, mais aussi dans la capacité à exprimer sa vulnérabilité, à accepter ses faiblesses, et à trouver du sens dans les épreuves. "Les Frottements du Cœur" est une ode à la vie, à la résilience et à l'humanité. C’est un rappel puissant que même dans les moments les plus sombres, il est possible de trouver de la lumière, de la beauté et de l'espoir. Ce spectacle est à ne pas manquer, car il laisse une empreinte indélébile dans le cœur de ceux qui ont la chance de le voir. Venez découvrir "Les Frottements du Cœur" et laissez-vous emporter par cette histoire bouleversante et inspirante. Avis de Foudart 🅵🅵🅵 Les frottements du coeur Un spectacle écrit et interprété par Katia Ghanty Mise en scène Eric Bu Création sonore et musique live Agnés Imbault en alternance avec Caroline Geryl Lumières Moïse Hill • Chorégraphie Florentine Houdinière Crédit photo © Frédérique Toulet THÉÂTRE DES GÉMEAUX PARISIENS Du  08.09.25 au 14.03.26 • À partir de 12 ans • Durée 1h25

  • Ceci n’est pas une religion — Élodie Emery ou le journalisme au plateau

    🅵🅵🅵 FOUD’ART – Quand l’enquête devient théâtre ⸻ Une journaliste face au plateau Élodie Emery n’est pas comédienne, elle le dit d’entrée de jeu. Et c’est peut-être là la clé de la soirée. Sur la scène de la salle Boris Vian de la Grande Halle de la Villette, elle s’avance en journaliste, avec ses notes, ses interrogations et son humour acide. Elle ne joue pas, elle raconte. Et ce récit-là vaut toutes les fictions. Durant 1h10, elle nous embarque dans onze années d’enquête sur les dérives du bouddhisme : manipulations, abus, violences sexuelles, culte du maître. Avec une plume aiguisée et un ton à la fois grave et désarmant, Emery déconstruit l’image d’Épinal d’une spiritualité « pure » et sans failles. ⸻ L’enquête, entre gravité et autodérision Ce qui frappe d’abord, c’est l’équilibre entre rigueur journalistique et humour. Élodie Emery ose rire de ses propres errements, de son rendez-vous manqué avec le Dalaï-Lama, de ses débuts de blogueuse « chômeuse professionnelle ». Cette légèreté, loin de diluer le propos, le rend plus attachant encore. Le spectateur est suspendu à ses mots, fasciné par la mécanique de l’enquête, surpris par les révélations successives, happé par ce crescendo narratif qui s’appuie sur un fil rouge : le témoignage bouleversant d’une disciple brisée. ⸻ Une heure qui file comme un souffle La scénographie est minimale : un pupitre, un écran, quelques images, des extraits sonores. Mais tout est là. On rit, on frémit, on s’indigne. L’heure passe à toute allure, comme dans les meilleures enquêtes que l’on lit d’une traite. Et à la fin, le public se lève, conquis, ému, admiratif devant cette parole à la fois intime et politique. ⸻ Avec Ceci n’est pas une religion , Élodie Emery invente une forme singulière : un « seule-en-scène du réel » qui marie investigation, confession et humour grinçant. La force de l’écrit rencontre la force du plateau. On ressort galvanisé, avec une certitude : ne jamais remettre son libre-arbitre entre les mains d’un maître, aussi séduisant soit-il. 🅵🅵🅵 FOUD’ART – Un moment rare, salutaire, brillamment mené. ⸻ Infos pratiques Ceci n’est pas une religion – Élodie Emery Du 9 au 13 septembre 2025 • Grande Halle de la Villette • Durée 1h10

  • Une heure à t’attendre : quand l’absence devient personnage

    🅵🅵🅵 FOUD’ART – Un huis clos qui tient en haleine Une heure suspendue Il suffit parfois d’un parfum, d’un souvenir, d’un silence. Dans Une heure à t’attendre , la nouvelle pièce de Sylvain Meyniac mise en scène par Delphine de Malherbe , l’absence d’une femme devient le moteur d’un duel à deux voix. Un appartement sous les toits de Paris, deux hommes qui se croisent, s’évaluent, s’affrontent. Entre confidences, manipulations et blessures intimes, le temps se tend comme une corde prête à rompre. Un texte aux allures de thriller intime Auteur de comédies à succès ( Hier est un autre jour ), Sylvain Meyniac surprend ici par une écriture resserrée, élégante et troublante. En enfermant deux hommes dans un huis clos où la troisième protagoniste n’apparaît jamais, il invente une dramaturgie de l’absence. Le spectateur se retrouve complice de ce jeu cruel où chaque mot pèse, chaque silence s’épaissit. La pièce questionne l’attente, l’amour et la perception de l’autre, avec une subtilité digne des maîtres du suspense psychologique. Frémont et Vaude : duel au sommet Il fallait deux comédiens de haut vol pour donner chair à ce face-à-face brûlant. Thierry Frémont et Nicolas Vaude s’y livrent avec une intensité rare. L’un, fragile et fiévreux, laisse entrevoir ses failles derrière ses certitudes ; l’autre, rigide et implacable, distille une inquiétante maîtrise. Leurs échanges ont la précision d’un duel d’escrime, entre éclats de tendresse et coups portés sans pitié. Une véritable leçon de jeu, où l’on retient son souffle autant qu’eux. Une mise en scène feutrée et tendue Delphine de Malherbe choisit la sobriété et l’élégance. Le décor de Catherine Bluwal – un grenier parisien aux matières brutes – devient l’écrin parfait pour ce huis clos. Les lumières ciselées de Stéphane Baquet accentuent les zones d’ombre, comme si les personnages étaient pris au piège d’une horloge invisible. Ici, l’attente se vit comme une tempête silencieuse. Le spectateur, happé, se surprend à scruter chaque regard, chaque inflexion de voix. Entre tendresse et cruauté , Une heure à t’attendre est une pièce qui se vit comme une brûlure douce : une heure suspendue où l’amour, l’absence et le désir se frottent au vertige de la vérité. Un moment de théâtre d’une intensité rare, servi par deux interprètes magistraux. 🅵🅵🅵 FOUD’ART : L’attente magnifiée au théâtre. Infos pratiques UNE HEURE À T’ATTENDRE De Sylvain Meyniac Mise en scène Delphine de Malherbe Avec Thierry Frémont et Nicolas Vaude Lumières Stéphane BAQUET • Décors Catherine BLUWAL • Costumes Philippe SERPINET • Photos de scène © Patrick CARPENTIER Théâtre de l’Œuvre Du 4 septembre au 5 octobre 2025 • Du jeudi au dimanche à 19h • Durée 1h10

  • Les Justes : Camus en plein cœur de la tempête

    Maxime d’Aboville rallume la flamme des « meurtriers délicats » Un classique qui cogne encore Ils sont quatre. Quatre jeunes révolutionnaires enfermés dans un appartement moscovite en 1905. Une bombe à la main, une cause dans la tête, le doute au ventre. Les Justes d’Albert Camus, c’est l’histoire d’un attentat… mais surtout l’histoire d’un dilemme : peut-on tuer au nom de la justice ? Au Théâtre de Poche-Montparnasse, Maxime d’Aboville relève le défi de ce texte incandescent. Il en livre une mise en scène sobre, tendue, électrique , qui colle au souffle tragique de Camus sans jamais l’enfermer dans les livres de philo du lycée. Ici, la pensée s’incarne. Ici, les mots explosent. Une mise en scène coup de poing Pas d’artifice. Pas de lourdeur. Devant un rideau de fer rouillé signé Marguerite Danguy des Déserts, les comédiens (Arthur Cachia, Étienne Ménard, Oscar Voisin, Marie Wauquier) se jettent dans l’arène. Ils jouent parfois deux personnages, révélant la fine frontière entre idéalisme et fanatisme. La musique de Jason Del Campo agit comme une pulsation cardiaque « Elle ne commente pas. Elle propulse » - Chaque silence devient plus lourd, chaque rupture plus tranchante. On retient son souffle. Camus, brûlant d’actualité « Même dans la destruction, il y a un ordre, il y a des limites. » - cette phrase résonne comme une alarme pour aujourd’hui. Camus ne condamne pas, il interroge. Ses personnages doutent, aiment, tremblent. Ils veulent être justes, mais découvrent que la justice peut aussi se salir de sang. Dans un monde saturé de radicalités et de violences idéologiques, ce spectacle prend des allures de miroir : et nous, jusqu’où serions-nous prêts à aller ? 🅵🅵🅵🅵 Un spectacle coup de foudre Intense. Intelligent. Épuré. Les Justes version Maxime d’Aboville, c’est un uppercut théâtral qui fait dialoguer l’histoire et notre présent. Un spectacle nécessaire, qui rappelle que le théâtre peut encore être ce lieu incandescent où se rejoue le combat des idées. Infos pratiques LES JUSTES d’Albert Camus Mise en scène et adaptation Maxime d’Aboville Avec Arthur Cachia, Étienne Ménard, Oscar Voisin, Marie Wauquier Scénographie & costumes Charles Templon Création sonore Jason Del Campo Lumière Alireza Kishipour Crédit photo ©Sébastien Toubon Théâtre de Poche-Montparnasse À partir du 2 septembre 2025 • Du mardi au samedi à 19h, dimanche à 15h

  • Le Procès d’une vie : quand le théâtre redonne voix aux combattantes de l’ombre

    Théâtre des Gémeaux – Festival Off Avignon 2025 Chœur de femmes, chœur d’histoire Avant même que les lumières ne s’éteignent, Le Procès d’une vie nous invite à entrer dans le débat. Réunis en assemblée générale autour du manifeste des 343, les spectateurs deviennent partie prenante d’une mémoire vive : celle des luttes pour le droit à l’avortement. Le ton est donné. Ce spectacle ne se contente pas de raconter un procès, il le ravive en le contextualisant. Sur scène, l’affaire de Bobigny se rejoue à travers une fiction inspirée de faits réels, entremêlée à la vie de Gisèle Halimi, infatigable avocate de toutes les justices. En convoquant Marie-Claire, Michèle, Lucette, Renée, Micheline et les autres, la pièce redonne souffle aux anonymes de l’histoire, à ces femmes ordinaires devenues héroïnes d’un combat collectif. Une mise en scène coup de poing Barbara Lamballais orchestre avec justesse une mise en scène immersive, vive, déstructurée. Le public, placé au plus près des comédiennes, assiste à un théâtre en mouvement, qui brouille les lignes entre réalité et fiction. Les interprètes se changent à vue, les espaces se fondent, se montent et se démontent sous nos yeux : la mécanique du plateau devient miroir de celle du procès. Ce théâtre chorégraphié, syncopé, emprunte au cinéma son rythme et à l’histoire sa rage. Les dialogues claquent, les silences vibrent, les mots résonnent. La parole devient arme, écho, refuge. Et c’est précisément ce va-et-vient entre intime et politique, entre le “je” et le “nous”, qui fait toute la puissance de la proposition. Une distribution bouleversante Impossible de ne pas saluer l’intensité des comédiennes. Clotilde Daniault incarne une Gisèle Halimi vibrante de détermination. Jeanne Arènes est magistrale en Simone de Beauvoir, glissant avec grâce d’un rôle à l’autre. Maud Forget donne chair à la fragilité, au doute, à la peur de Marie-Claire. À leurs côtés, Déborah Grall, Céline Toutain, Karina Testa et Julien Urrutia complètent ce chœur vibrant, juste, traversé par la nécessité. Le texte de Barbara Lamballais et Karina Testa évite tout didactisme : il touche par sa sincérité, sa clarté, sa force. Le théâtre devient ici lieu d’éducation sensible, d’émancipation politique, d’élan collectif. Une œuvre de mémoire et de vigilance Ce qui glace – et révolte – dans Le Procès d’une vie , c’est la lucidité brutale avec laquelle il fait résonner passé et présent. Le violeur qui dénonce sa victime, l’adolescente jugée coupable de ne pas vouloir être mère, les femmes réduites au silence, à la honte, à la clandestinité. On est en 1971, mais parfois, l’ombre du Moyen Âge rôde encore. Et puis il y a cette phrase, toujours d’actualité, de Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. » Avis de Foudart 🅵🅵🅵 Infos pratiques Le Procès d’une vie Une fiction historique librement inspirée de la vie de Gisèle Halimi et du procès de Bobigny De Barbara Lamballais & Karina Testa Mise en scène Barbara Lamballais Avec Jeanne Arènes, Clotilde Daniault, Maud Forget, Déborah Grall, Karina Testa, Céline Toutain et Julien Urrutia Scénographie Antoine Milian • Costumes Marion Rebmann • Son & musique Benjamin Ribolet • Lumières Rémi Saintot Crédit photo ©Simon Gosselin Festival OFF Avignon Théâtre des Gémeaux • Du 5 au 26 juillet à 16h30. Relâche les 9, 16 et 23 juillet • Tout public à partir de 12 ans • Durée 1h30

  • Dissonances Jeanne d’Arc : le théâtre en débat, la fiction en embuscade

    Festival Off Avignon 2025 Une émission de radio qui fait disjoncter la scène Imaginez une émission de France Inter qui aurait trop bu, un débat radiophonique entre spécialistes qui vire au pugilat, une table ronde qui tangue entre farce et vérité. Dissonances Jeanne d’Arc , nouvelle création de la Compagnie du Dire-Dire, convoque la Pucelle d’Orléans sur un plateau… de théâtre. Et le feu prend. Sur scène, tout y est : micros, jingle musical, invités en roue libre, présentateur candide, et figures archétypales de notre paysage idéologique. Ce n’est pas une fresque historique, mais un miroir déformant (et détonant) tendu à notre époque. Jeanne d’Arc : flamme nationale ou brasier idéologique ? Après Mozart, Freud ou Camus, c’est au tour de Jeanne d’Arc de passer à la moulinette de cette « vraie/fausse » émission de radio imaginée par Frédéric de Goldfiem . Une femme politique façon Marion Maréchal-Le Gwen (savoureuse Marion Llombart ), un prêtre ultra-conservateur, une illustratrice féministe, un metteur en scène progressiste, un historien du droit… Tous s’affrontent, s’interrompent, se piquent au jeu. Et dans le rôle de l’animateur naïf, Jonathan Gensburger , Auguste version studio, joue de sa bêtise feinte pour mieux faire dérailler les échanges. Mais derrière l’humour et les glissements burlesques, l’enjeu est de taille : qui récupère Jeanne d’Arc ? Qui en fait une sainte, une arme, un étendard ? Le spectacle croise les discours, égrène les faits, titille les dogmes. La figure historique devient prétexte à un voyage au cœur des fractures françaises : identité nationale, républicanisme, féminisme, extrême droite, médias… Un théâtre du trouble, entre le vrai et le faux La grande force de Dissonances , c’est sa mécanique d’écriture vivante. Pas de texte figé : un canevas souple qui laisse place à l’improvisation, à la digression, au surgissement. Certains intervenants viennent avec leur expertise réelle, d’autres avec une caricature de leur posture idéologique. L’une des grandes réussites du spectacle est justement d’avoir mêlé vrais spécialistes et comédiens , brouillant les repères avec malice. Le spectateur ne sait jamais tout à fait ce qui est joué, sincère ou parodique. Il rit… puis parfois se fige. Lorsque la figure d’extrême droite entonne un monologue glaçant, la salle suspend son souffle. Car sous le vernis de la comédie, rôde l’ombre du réel. De la pensée comme herbe folle Le théâtre documentaire proposé ici se nourrit de dissonance cognitive : confrontation de vérités contradictoires, frottement entre posture et imposture, télescopage entre savoir et opinion. C’est vif, caustique, parfois absurde - et d’une grande pertinence. Ce spectacle interroge la forme même du débat public et sa spectacularisation. La mise en scène précise et malicieuse de Frédéric de Goldfiem orchestre ce chaos apparent avec une maîtrise réjouissante. Les tensions sont savamment dosées, les personnages hauts en couleur sans jamais basculer dans le cliché. La musique de François Barucco parachève l’illusion radiophonique avec une ironie bien sentie. Verdict : du théâtre comme on en voit peu Avec Dissonances Jeanne d’Arc , la scène devient arène. Le public est pris à témoin, plongé dans une expérience rare : celle d’un théâtre qui pense et fait penser, sans jamais moraliser - et c’est précieux. À mi-chemin entre satire politique, documentaire scénique et performance improvisée, ce spectacle amuse autant qu’il dérange. C’est  brillant, intelligent, ludique, vertigineux. À voir d’urgence si vous aimez être bousculé - même quand ça gratte là où ça fait mal. Avis de Foudart 🅵🅵🅵🅵 Infos pratiques Dissonances Jeanne d’Arc Conception et réalisation Sophie De Montgolfier, Marion Llombart, Frédéric de Goldfiem, Jonathan Gensburger Mise en scène Frédéric de Goldfiem Avec Cyril Cotinaut, Jonathan Gensburger, Marion Llombart, Jennifer Maria, Gérard de Martigues, Sophie de Montgolfier, Valérie Pillon, Frédéric Rey Musique François Barucco Festival OFF AVIGNON Théâtre des Carmes ANDRÉ BENEDETTO • Du 5 au 26 juillet à 21h45 . Relâche les 8, 15, 22 juillet • Durée : 1h35 • Tout public à partir de 14 ans

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