Holden – Fugue adolescente, quête d’identité et mémoire en ébullition
- Bonfils Frédéric
- 9 juil.
- 2 min de lecture
Une voix en cavale
Bonnet vissé sur la tête, couteau planqué dans la poche, Lola n’a pas fugué pour faire un caprice. Elle a seize ans et porte déjà sur ses épaules les vertiges du monde. Dans Holden, monologue fiévreux écrit par Guillaume Lavenant et mis en scène avec finesse par Marilyn Leray, c’est toute la confusion de l’adolescence qui affleure. Un corps en tension. Une voix en cavale. Une jeune fille en fuite vers elle-même.
Lola veut qu’on l’appelle Holden. Non pas pour se rêver garçon, mais pour s’inventer une échappée, un double. Comme une béquille mentale face au tumulte. Holden Caulfield – le célèbre héros de L’Attrape-cœurs de Salinger – devient ainsi son alter ego fantasmé, un phare dans la nuit, un frère de solitude.
Une adolescence à vif
Mégane Ferrat, seule en scène, incarne Lola avec une intensité saisissante. Le texte, dense et nerveux, épouse le rythme des pensées d’une ado en apnée, confrontée à ses peurs, ses élans, ses contradictions. Elle attend son amie Luce, avec qui elle a prévu de fuguer. Mais l’attente devient introspection, la fuite une manière de suspendre le temps.
Les souvenirs d’enfance remontent à la surface. Une violence diffuse, rentrée, l’habite. Entre pudeur et colère, la parole de Lola devient miroir d’une génération en équilibre instable, coincée entre l’enfance perdue et l’âge adulte à affronter.
La scénographie sobre, les lumières sensibles de Sara Lebreton et l’univers sonore discret de Rachel Langlais construisent un écrin juste et tendu pour cette parole intime, jamais démonstrative, toujours vibrante.
L’Attrape-cœurs, version XXIe siècle
Il y a dans Holden une fidélité à l’esprit de Salinger sans jamais en faire un pastiche. Guillaume Lavenant distille des clins d’œil subtils au roman culte tout en offrant à Lola une voix autonome, contemporaine, profondément singulière. Le spectateur retrouve ce mélange de sarcasme, de lucidité désabusée et de fragilité brute qui fait de L’Attrape-cœurs un texte intemporel – mais dans un corps, une langue, un imaginaire résolument d’aujourd’hui.
À l’image du spectacle : frontal, pudique, bouleversant.
Quand le rideau tombe, quelque chose persiste. Une secousse douce. Une parole qui chemine en nous, bien après la fin. Car ce que raconte Holden, c’est cette minute précise où l’on comprend que grandir, ce n’est pas devenir sage, mais apprendre à marcher avec ses fêlures. Et que parfois, pour survivre, il faut savoir se réinventer. S’inventer Holden. Avis de Foudart 🅵🅵🅵
Infos pratiques
HOLDEN
Texte Guillaume Lavenant
Conception & mise en scène Marilyn Leray
Avec Mégane Ferrat
Création musicale Rachel Langlais
Lumière Sara Lebreton
Scénographie Valérie Jung
Costumes Caroline Leray
Crédit photo Jérôme Teurtrie
Festival OFF Avignon
Théâtre La Manufacture
Les 5, 7, 9, 11, 13, 15, 19, 21 juillet à 14h50 • Durée : 1h05 • À partir de 14 ans


Comments