Rien n’a jamais empêché l’histoire de bifurquer : rock, douceur et révolution
- Bonfils Frédéric
- il y a 23 heures
- 2 min de lecture
Et si l’insurrection prenait la forme d’un murmure ?
Sur le plateau en ruines de La Scierie, un mur de parpaings s’est effondré. Des chants anciens résonnent. Une femme se lève, droite, frontale, pour dire le monde tel qu’il chancelle – et tel qu’il pourrait renaître.
Avec Rien n’a jamais empêché l’histoire de bifurquer, Anne Conti s’empare d’un texte manifeste de Virginie Despentes, écrit en 2020 et resté inédit jusqu’à aujourd’hui. Plus qu’un spectacle : un cri poétique, un appel à la tendresse dans un monde saturé de violence.
Des ruines à la révolution : bifurquer ou disparaître
Tout commence lors d’un séminaire au Centre Pompidou. Une tribune que Despentes transforme en manifeste. Elle y appelle à briser les chaînes du capitalisme, du patriarcat, du racisme, de l’hétéronormativité.
Mais ce qui frappe ici, c’est moins la colère que l’élan : celui d’un monde à reconstruire, avec douceur et poésie.
Anne Conti en fait un objet scénique radical et sensible, entre concert, rituel païen et performance féministe. Le texte, dense et ciselé, prend le temps d’habiter le plateau. Il se dilate, se déplie, devient contagieux.
Une partition poético-punk
Anne Conti incarne elle-même ce manifeste. Son adresse est directe, vibrante, rythmée comme une partition. Autour d’elle, les musiciens Rémy Chatton (violoncelle, guitare) et Vincent Le Noan (percussions) tissent une bande-son puissante, traversée d’échos baroques, de grondements tribaux et de comptines suspendues.
Le spectateur est pris dans une spirale : rock, chamanique, parfois apaisée, toujours engagée.
La scénographie – conçue avec la complicité de Phia Ménard – évoque un chantier à ciel ouvert : fragments de murs, tapisserie déchirée, poussières d’un monde ancien. Mais l’effondrement devient promesse : à mesure que la scène s’élève, des constellations apparaissent, comme une invitation à inventer un autre futur.
Des mots qui percutent, une douceur qui désarme
Virginie Despentes n’a jamais mâché ses mots. Mais ici, sa plume se fait souffle. Entre injonction politique et confidence intime, elle interroge la frontière, la liberté, le lien, la révolte, le soin. Chaque phrase devient boussole pour celles et ceux qui refusent le cynisme.
Le geste théâtral d’Anne Conti n’en rajoute jamais. Il amplifie, incarne, écoute. Il ouvre un espace d’accueil, pour que les spectateurs s’y projettent et, peut-être, se laissent contaminer.
Car, comme le dit le texte :
« Chaque fois que tu fais ce qu’il te convient de faire, ta liberté me contamine. »
Un manifeste scénique d’une rare justesse
Rien n’a jamais empêché l’histoire de bifurquer est un moment de théâtre comme on en vit peu : puissant sans être brutal, politique sans être dogmatique.
Un souffle d’air frais venu des ruines.
Une déclaration d’amour à la capacité de changer. À la fragilité comme force.
Un uppercut doux. Avis de Foudart 🅵🅵🅵🅵
Infos pratiques
Rien n’a jamais empêché l’histoire de bifurquer
Texte Virginie Despentes
Mise en scène Anne Conti (avec la collaboration de Phia Ménard)
Avec Anne Conti, Rémy Chatton (guitare, violoncelle), Vincent Le Noan (percussions)
Création vidéo Cléo Sarrazin • Lumière Laurent Fallot
Crédit photo Didier Pérou
Festival OFF AVIGNON
La Scierie – Le Hangar • Du 4 au 26 juillet 2025 (relâches les 8, 15, 22) à 18h00 • Durée 1h • Tout public à partir de 15 ans

